Premier tête à tête

[Vincent Lonenlill]

Vincent entra dans l'un des salons du manoir. Voyant qu'il était vide il héla une jeune humaine qui faisait partie du personnel et qui passait dans le couloir. Elle s'approcha de lui, le regard fuyant, pas très rassurée. Il lui demanda de lui apporter une carafe de sang. Elle obtempéra et disparut à toute vitesse. Pour se nourrir, les vampires pouvaient aller chasser mais les humains avaient proposé de faire de réguliers dons de sang dans les hôpitaux afin de pouvoir nourrir les vampires sans être massacrés. Certes, ça n'avait pas le goût savoureux du sang chaud pris à la source, mais ça évitait les scènes d'hystérie collective.

La pièce était petite et confortable. Les murs étaient de couleur crème. Un cheminée de marbre blanc, des meubles clairs et de grands fauteuils formaient le mobilier.
Vincent s'assit dans l'un des fauteuils et soupira, regardant les cendres froides dans l'âtre. Il était épuisé. Ses blessures le piquaient affreusement et il sortit un mouchoir de sa poche avant de l'appliquer sur ses avant bras, marqués des ongles de son amant.

Il ne regarda pas Orden entrer, trop occupé à pester contre la serveuse qui ne revenait pas.

"Il lui faut bien du temps pour revenir. Si elle ne se dépêche pas, c'est elle que je saigne à son retour"

Il se leva et se dirigea vers la fenêtre qu'il ouvrit en grand. La présence d'Orden lui mettait les nerfs en pelote et passes se défouler sur la jeune fille pouvait peut être l'aider à décompresser un peu mais il savait que Morgan désapprouverait.

La jeune fille finit par revenir et Vincent se saisit promptement du plateau qu'elle tenait dans les mains avant de la congédier sans douceur.

Quelques minutes plus tard, il se sentait un peu mieux. Repu, il se laissa retomber dans le fauteuil et consentit enfin à se tourner vers Orden qu'il avait ostensiblement ignoré jusque là.
Il se leva et, oubliant la douleur causée par ses blessures, commença à tourner autour de l'humain, tel un lion autour de sa proie.

" Je me demande ce que Morgan te trouve. " lâcha t'il sur un ton égal. " Tu es maigre, tu as le corps couvert de cicatrices, tu n'es plus très jeune et tu tentes de te suicider au moindre problème. J'aimerais bien comprendre."

En effet, il ne comprenait pas. Lui, il était prêt à suivre Morgan jusqu'en enfer. Son immortalité avait figé ses traits et son corps dans la force de sa jeunesse et il savait que Morgan et lui s'entendaient sur bien des points. Il ne ressemblait en rien à cet humain qui pourtant avait l'intolérable chance d'être aimé de Morgan.

[Orden Rosenkreutz]

Orden n'avait pu s'empêcher de ressentir une certaine tristesse à l'égard de Vincent lorsque celui-ci lui avoua que Morgan murmurait plaintivement son nom dans son sommeil. Malheureusement, ou heureusement pour lui, il n'avait jamais eu à courir après un amour impossible, il ignorait donc la douleur de ne pouvoir se faire aimer. Cependant il se doutait que la situation devait être particulièrement douloureuse pour le jeune vampire.

Le prêtre le suivit donc jusqu'au salon couleur crème. S'avançant dans la pièce, il le fixa heler une jeune femme pour qu'elle lui apporte sans plus tarder une carafe de sang. Celle-ci passa devant lui non sans lui jeter un regard interrogateur. Orden y répondit par un sourire glacial. Il n'avait jamais eu beaucoup d'atomes crochus avec le genre humain, bien qu'il en soit un encore aujourd'hui.

Croisant les bras il observa le moindre fait et geste de Vincent, qui pour l'heure l'ignorait ouvertement. Ca n'avait guère d'importance puisque l'ancien chasseur était d'une patience redoutable. Il attendit donc sans bouger que le brun achève son repas, puis viennne tourner autour de lui comme un prédateur autour de sa proie. Un sourire froid arqua ses lèvres pales à la réflexion du vampire. Avisant un fauteuil non loin de là, Orden consentit enfin à bouger pour aller s'y asseoir.

Immobile il contempla le brun un court instant avant de lacher un soupir. La discussion promettait d'être longue, surtout si Vincent partait de ce pied provocateur. Glissant une main étrangement sensuelle dans sa chevelure sombre, Orden prit la parole, avec la ferme intention de tout lui expliquer.

" Avant toute chose, j'aimerais que ce que je vais te révèler ne parvienne jamais aux oreilles de Morgan. Tu l'as toi même remarqué ce n'est pas quelqu'un de très ouvert, et lorsqu'il va mal il cherche simplement du réconfort sans dire un mot sur ce qui le tracasse. Je l'ai toujours connu ainsi. Il m'a fallu beaucoup de temps pour percer sa coquille, et encore davantage pour entendre un mot d'amour de sa part. Tout simplement parce que Morgan ne savait pas aimer, que dans toute son existence vampirique il n'a jamais éprouvé un tel sentiment, jusqu'à ce jour..... "

Il marqua une pause. Il se fichait éperdument d'exasperer le vampire, tout ce qu'il voulait c'était qu'il l'écoute jusqu'au bout, quand bien même la douleur était grande pour lui. Son visage prit une expression neutre, puis il continua.

La première fois que j'ai rencontré Morgan, je n'étais qu'un enfant. Ce soir là il a massacré ma famille, faisant de moi un orphelin qu'il marqua d'un coup de crocs. Après quelques semaines d'errance, j'ai été recueilli par un prêtre qui m'a élevé. A l'époque j'ignorais ses intentions à mon égard, mais il a fini par me retrouver et à tué de nouveau celui qui était devenu mon mentor. J'ai nourri une haine farouche envers Morgan. Et sans m'en rendre compte il était devenu ma seule raison d'exister, le but que j'ai poursuivi pendant des années. Je voulais assouvir ma peine, ma vengeance personnelle. Je suis donc devenu chasseur, intégrant un groupe à Kiev. Mais ils ont tous été executés et j'ai été le seul à en réchapper.

Orden ne mentionna pas le fait que c'était Isaac, un connaissance de Morgan qui lui avait sauvé la vie, pour ensuite mieux se venger du vampire, en lui faisant subir le tourment de sa disparition.

" Ce que tu ne sais pas, c'est que Morgan à voulu faire de moi son égal afin que je le tue un jour. Il voulait un beau duel pour partir enfin en paix. Il le désirait si ardemment, mais je lui ai refusé. Je n'ai pas pu.
Quand je me suis retrouvé face à lui, prêt à le tuer, ma haine s'est évanouie, parce que j'ai soudain réalisé que je le comprenais. En faisant de moi son égal, il m'avait fait à son image. Je pouvais lire la douleur dans son regard, je pouvais sentir sa solitude jusqu'au plus profond de mon âme. A ce moment là j'ai percé sa muraille et j'ai vu ce qu'aucun autre avant moi n'avait réussi à voir. Il était un être à la dérive qui n'avait plus que le massacre pour combler son amertume de la vie.

Orden...bats toi! J'ai tué ta famille. Je les ai massacré devant tes yeux et tu ne veux pas me tuer? Mais si tu ne le fais pas, qui le fera?

C'est ce qu'il m'a dit avant de tomber à genoux, avant de laisser sa douleur l'envahir. Morgan haïssait le bonheur parce qu'il était incapable de l'avoir. Je me suis offert à lui dans l'espoir de le lui faire découvrir. Après ça nous ne nous sommes plus quittés.

Un long silence s'installa. Orden laissa à Vincent le temps de digérer ce qu'il venait de lui avouer sur son amant. Le lui raconter c'était comme le vivre une seconde fois, et son amour ne faisait que grandir. Son regard prit une expression triste.

" Cependant, je ne peux pas dire que j'ai bien fait les choses. Même lorsque j'étais avec lui, même lorsque nous nous aimions, je voyais bien qu'il souffrait. Il se sentait coupable de tous les massacres commis dans sa vie. Les sentiments qu'il éprouvait pour la première fois l'étouffaient. J'ai cru jusqu'à il y a peu que si je m'éloignais, si quelqu'un de plus fort prenait ma place il irait mieux. Mais je sais désormais que c'est impossible. Je suis lié à lui pour l'éternité tout comme tu l'es toi. J'ai peur pour lui, parce que je vois bien que les choses ne s'arrangent pas, qu'il va toujours aussi mal. Je ne sais plus quoi faire, il s'accroche désespérément à ce qui le rassure. Et crois moi, maintenant que tu fais parti de sa vie, même si je suis à nouveau là, il ne risque pas de t'éloigner de lui. "

Son regard gris se perdit dans le vide. Il aimait profondément le vampire. Il souhaitait sincèrement rester pour toujours auprès de lui. Le prêtre attendrait à jamais que les démons si profondément ancrés en Morgan disparaissent. Mais bien qu'il en sache davantage que Vincent, il ignorait encore beaucoup de choses sur son amant. Peut-être que si il n'avait pas disparu, ils auraient pu en parler et trouver une solution.

" Je comprends cet amour de damné que tu lui voue. " Lacha t-il plus pour lui-même que pour Vincent.

[Vincent Lonenlill]

Vincent l'avait provoqué délibérément. C'était en quelque sorte un test. Allait il lui renvoyer une pique acerbe? Se jeter sur lui? Ou bien l'ignorer superbement? Le vampire ressentait une intense jalousie vis à vis de l'humain mais il était également curieux de connaitre plus de choses sur lui. Il n'arrivait pas à comprendre pourquoi Morgan l'aimait autant et ça lui faisait d'autant plus mal qu'ils étaient si différents Orden et lui qu'il se demandait s'il arriverait jamais à accéder au cœur de son sire.

Orden était d'une froideur de glace. Plus rein à voir avec la petite chose tremblante et pitoyable qu'il avait recousu quelques jours plus tôt. Il n'arrivait vraiment pas à cerner sa personnalité.
L'humain lui répondit enfin, sans animosité ou mépris. Il ne voulait pas que ses propos aillent jusqu'aux oreilles de Morgan. Soit.
Il lui apprit que Morgan avait toujours eu du mal à se confier et qu'avant lui il n'avait jamais aimé. Ses mots firent mal à Vincent, lui rappelant que lu i n'avait pas la chance d'être aimé du vampire.
Orden lui raconta leur première rencontre, la persécution que Morgan exerça sur lui pour qu'il devienne son rival, leur duel qui n'avait pas trouvé de gagnant.
Vincent avait deviné que le passé de Morgan était houleux et douloureux mais jamais il n'aurait imaginé qu'il puisse façonner un être juste pour qu'il le tue enfin. Il commençait à comprendre pourquoi Morgan avait eu l'air si concerné quand il avait tenté de se suicider du haut d'un pont. Lui aussi avait pensé à la mort.

Il comprenait mieux à présent le lien fusionnel qui unissait Morgan à Orden. Ce dernier avait appris au vampire à aimer et à connaitre d'autres sentiments que la haine. Ensemble, ils avaient vécu des épreuves et même s'ils avaient fait des erreurs, leurs sentiments avaient été plus forts.
Dans un certain sens, Vincent éprouva de la reconnaissance à l'humain d'avoir pu sauver Morgan du suicide lent et douloureux qu'il s'infligeait tout seul mais il lui en voulait aussi terriblement d'être revenu.

"Non tu ne comprends pas" lui répondit il en retournant à la fenêtre et en s'accoudant au rebord. Une bourrasque de vent froid vint jouer dans ses cheveux.
" Morgan m'a arraché du néant. Il m'a fait renaitre et m'a montré un monde que je ne connaissais pas. Il m'a appris à rire, à aimer...mais lui en aimait un autre. J'ai tout fait pour qu'il l'oublie mais voilà que cet autre revient après des années d'absence et me le vole aussi facilement que si son absence n'avait jamais existé. Il m'a crée seulement parce que tu lui manquais et qu'il avait besoin de quelqu'un à ses côtés."

Son rire amer résonna se perdit dans la nuit.

" Il faut croire que c'est une constante de me faire voler ceux que j'aime".

Il se retourna pour jeter un regard noir à Orden.

" Autrefois, je suis allé en prison pour avoir tué l'homme qui m'avait enlevé ma femme. Je ne referai pas la même erreur même si je dois te dire que t'étriper serait un réel plaisir. Tu as raison quand tu dis que Morgan ne va pas bien et le priver de toi serrait une bêtise..."

Il se rapprocha de l'humain et d'un geste sec lui saisit le menton pour ancrer son regard dans le sien.

" Morgan a de hautes fonctions à présent.Il dirige cette ville et son autorité est constamment mise à l'épreuve pas d'autres Seigneurs des villes voisines. Je n'admettrai pas qu'en plus de ses problèmes, il ait à se soucier constamment de toi. Je vais te surveiller, Orden et le jour où je verrai que tu es plus pour lui un boulet qu'une aide, je ferai en sorte de t'éliminer. Tu as la chance d'être aimé de lui alors sois en digne."

[Orden Rosenkreutz]

Orden se calla plus confortablement dans le fauteuil alors que Vincent prenait la parole à son tour, appuyé sur le rebord de la fenêtre. Le vent froid le fit frissonner un instant, mais les propos du vampire éloignèrent cette sensation désagréable. Son coeur s'étreint dans sa poitrine alors qu'il lui avouait qu'il avait tout fait pour que Morgan l'oublie mais que lorsqu'il était revenu ses efforts avaient été vains, balayés par l'amour inébranlable que se vouaient les deux êtres. Bien sûr qu'il devait souffrir, et il était évident pour le chasseur que Vincent le détestait, c'était même légitime.

Un rire amer.

Le prêtre arqua un sourcil alors que le vampire avoua qu'il avait tué l'homme qui lui avait prit sa femme. Il ne doutait pas un seul instant de la morbide envie de meurtre que devait nourrir Vincent pour lui. Mais celà ne l'éffrayait pas. Il réalisait simplement qu'une vie sans amour, et jonchée de trahisons laissait des êtres en morceaux. Un puzzle gigantesque qu'il était pratiquement impossible de refaire à l'identique. Et en ce sens là, Vincent était parfaitement semblable à Morgan.

Sans bouger il le laissa s'approcher et lui saisir le menton plutôt durement. Son regard gris rencontra le noisette, et il écouta silencieusement acquieçant même à ses paroles. Cependant quelque chose l'avait mit en colère, une simple phrase qui devait sembler plus qu'annodine au vampire. Orden posa délicatement ses doigts sur la main du brun pour l'éloigner. Se levant souplement il lui lança un regard dur et particulièrement froid. Si il pensait ça de Morgan, alors il ne le comprenait vraiment pas.

" Parce que tu crois que Morgan t'aurais crée si il ne tenait pas à toi. C'est vraiment mal le connaître. Et tu sais pourquoi ? Parce que avant moi, il n'avait jamais eu de compagnon, il a toujours préféré la solitude. Et pour se consoler il enlevait de jeunes hommes, les abusait puis les saignait avant de les laisser pour mort. Et c'est très probablement ce qu'il a voulu faire avec toi au début. Juste un jeu entre le prédateur et sa proie. Le seul qu'il ai jamais voulu à ses côtés l'a rejeté, et il s'est évertué à le pourchasser pour le lui faire payer. Si tu es là aujourd'hui c'est parce qu'il a vu quelque chose en toi, quelque chose qui le rassurait. Et ce n'est très certainement pas quelque chose qui me ressemble."Son ton se fit plus dur. "Alors ne viens pas me dire qu'il t'a crée uniquement pour me remplacer. Je le connais suffisemment pour savoir que dans l'état dans lequel il se trouvait il aurait largement préféré le massacre. Et tu ignore sûrement que lorsque nous nous sommes retrouvés il m'a parlé de toi. Il m'a avoué qu'il ne pouvait se séparer de toi Vincent. Alors ce n'est peut-être pas de l'amour, du moins pas encore, mais je sais ce sentiment capable d'évoluer. Je ne te demande pas de me croire, mais fais lui au moins confiance à LUI ! "

Orden lui lança un regard particulièrement froid. Vincent pouvait tout lui dire. Qu'il était un faible, qu'il était un lâche. Qu'il ne faisait que faire souffrir son amant. Mais ce qu'il ne tolérait pas c'était qu'il parle ainsi de Morgan. C'était si mal le connaître. Un peu furieux mais le visage fermé, il s'éloigna pour venir s'appuyer près de la fenêtre. Le vent s'engouffrait dans la pièce et soulevait légèrement sa chevelure sombre. Comment Vincent avait pu penser une seule seconde ça du vampire. S'attacher à quelqu'un, partager son intimité, c'était quelque chose qui lui était réellement difficile. Il fallait sans cesse qu'il lutte contre ses pulsions destructrices. Combien de fois c'était-il excusé pour sa violence. Le brun n'était pas là par hasard, et il n'était pas là pour remplacer Orden non plus, tout simplement parce que si ça avait été le cas, Morgan se serait débarassé de Vincent sans tarder.

Le prêtre se retourna et fixa froidement le vampire.

" Au sujet de ma disparition. C'est justement à cause de l'un des rivaux de Morgan. Le seigneur de Kiev. Leur rencontre lui à coûté un oeil et il m'a enlevé pour se venger. Être avec Morgan c'est souffrir pour lui et l'aimer quelqu'en soit le prix. "

Orden laissa le silence s'installer. Il ne s'étendrait pas sur ce qu'il avait subit durant ces deux ans sauf si Vincent le lui demandait. Pas que celà le gênait, mais Isaac avait vraiment fait de lui un monstre part certain côté. Cependant il avait retrouvé sa force morale durant sa semaine de coma. Le lien entre Isaac et lui semblait s'être rompu pour son plus grand soulagement. Le Orden faible et larmoyant quavait soigné Vincent ne reviendrait plus jamais.

Inconsciemment, l'ancien chasseur se mordilla la lèvre inférieure. ILa faim le taraudait. Et ce n'était pas une faim naturelle, mais la soif de sang que lui avait donné Isaac. Un sourire orna son visage. il songea très ironiquement qu'il ne ferait pas un si mauvais vampire après tout.....

[Vincent Lonenlill]

Ces dernières minutes, Vincent avait plus appris sur Morgan que pendant une année entière. Le plus ironique était qu'il obtenait ces informations de son rival. Rival. Il ne pouvait voir Orden qu'ainsi. Vincent était loin d'avoir acquis la maturité nécessaire pour comprendre qu'il devait partager Morgan avec un autre. Il avait encore gardé une vision trop humaine de la relation amoureuse. Pour lui elle était exclusive.
Ce qui lui faisait le plus mal était sans doute que dans cette historie, c'était lui qui était de trop. Il en était malade de jalousie et de chagrin mais il ne voulait pas qu'Orden soit témoin de sa détresse. Il devait rester fort et réprimer les envies contradictoires qui se bousculaient en lui, à savoir déchiqueter l'humain ou s'enfuir hors de cette pièce où il étouffait.

Orden se dégagea de sa prise et se leva, aussi souple qu'un chat, avant de lui lancer un regard lourd de reproches. Il lui apprit ensuite de nouvelles choses : de toute son existence, Morgan n'avait jamais pris de compagnons. Il était le premier. Pourquoi lui avoir fait cet honneur? Au début, Morgan l'avait enlevé pour le violer et le saigner mais il l'avait libéré. Puis ils s'étaient recroisé souvent jusqu'à ce que Vincent finisse par céder à ses avances. A ce moment là, il avait eu la certitude qu'il ne pourrait jamais revenir en arrière et qu'il avait enfin trouvé sa place. Morgan l'avait transformé puis il lui avait tout appris : la chasse, le pouvoir, les rires, l'amour. Et "avant qu'il s'en rende compte, il était tombé amoureux de lui.
Maintenant, il apprenait qu’auparavant, jamais Morgan ne s'était lié avec un autre vampire. Vincent n'arrivait pas trop à comprendre pourquoi il l'avait choisi mais il en ressentit un intense bonheur.
Et Morgan avait parlé de lui à Orden quand ils s'étaient retrouvés...un grand soulagement l'envahit. Morgan ne l'avait pas écarté ni crée juste pour remplacer son amant perdu. Il ne savait pas tout ça et le savoir lui enlevait un grand poids de la poitrine.

« Je n’étais pas au courant. Morgan se confie rarement sur son passé. Tout ce que tu me racontes est nouveau pour moi » lui répondit il en s’asseyant dans le fauteuil laissé libre.
« Je ne le connais pas, en fait. J’essaye pourtant… »

Restant un instant silencieux, il pensait aux paroles d’Orden tandis que celui ci se rendait à la fenêtre.

Après quelques instants de silence ,Orden lui expliqua le pourquoi de sa disparition. Il avait été enlevé. Voilà sans doute pourquoi Morgan n'avait pas réussi à tourner la page : l'humain avait disparu du jour au lendemain et le vampire avait du échafauder mille théories.

"Être avec Morgan c'est souffrir pour lui et l'aimer quelqu'un soit le prix. "... oui, Vincent savait qu'il aimerait Morgan qu'elle qu'en soient les souffrances. Morgan lui avait donné la vie et Vincent la lui avait offerte. Mais serait il capable de partager?

Il se leva avant de regarder l'état de ses bras. Les blessures étaient assez profondes. Il lécha un filet de sang qui coulait jusqu'à la paume de sa main puis se tourna vers Orden.

"J'aime Morgan. Je ferai n'importe quoi pour l'aider à diriger cette ville et surmonter ses souffrances personnelles. Il a besoin de toi...il n'y aura donc pas de guerre ouverte entre nous mais sache que je ne te ferai pas de cadeaux pour autant et que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que mes sentiments soient réciproques."

Il se sentait fatigué. Il avait hâte que Morgan se réveille et cicatrise ses plaies qui le faisaient souffrir.

[Orden Rosenkreutz]

Orden ignorait pourquoi il en disait autant. Ce sentiment de compassion, il ne l'avait pas éprouvé depuis sa rencontre avec Morgan dans cet hôpital sordide. Bien sûr il aimait le vampire plus que sa propre vie, mais Vincent était à prendre en compte dans l'equation de leur histoire. Quelque part il souffrait pour lui, car bien qu'il n'en montrait rien, il sentait la souffrance du brun. Le fait qu'il soit aussi jaloux de lui le prouvait bien. Du coup il ne savait pas vraiment comment le prendre. Le prêtre savait qu'il ne pourrait pas rester éternellement froid avec lui. Avec un autre vampire peut-être, mais pas avec celui que Morgan avait choisi pour être son compagnon.

Il soupira et glissa une main dans sa chevelure puis se retourna pour fixer Vincent. Son regard se figea sur le filet de sang qui coulait le long de sa main. Hypnotisé par le liquide vermeille, il regarda avec fascination le lécher. Il avait faim terriblement faim. Ecoutant à demi ses propos, il secoua la tête pour chasser cette envie malsaine. Isaac avait fait de lui un être contre nature. Pour un vampire c'était naturel, mais pas pour un humain, et pas de cette manière là. Orden se mordilla la lèvre. Il fallait qu'il se contrôle ou il n'y tiendrait plus. Il ne voulait pas montrer ça à Vincent. Morgan l'avait déjà vu dans cet état de manque et ce n'était pas beau à voir. Un murmure lancinant s'éveilla du plus profond de son esprit.

Le visage du prêtre devint glacial. Pinçant le haut de son nez entre son index et son pouce il pencha légèrement la tête en avant pour se calmer. Puis il vint s'asseoir dans un fauteuil. Ses yeux n'arrivait pas à se défaire des profondes coupures qu'il avait dans le bras. Malgré tout il prit la parole dans l'espoir d'oublier sa faim.

" Tu sais, même avec moi Morgan ne se confit pas. Il faut juste que tu apprenne à lire entre les lignes. C'est en l'observant et en écoutant le peu qu'il me disait que j'ai réussi à savoir tout ça. Je sais que dans peu de temps tu y arrivera aussi. Après tout, tu as l'éternité toi aussi. "

Orden se calla plus confortablement dans le fauteuil et renversa la tête en arrière. Bien sûr que Vincent ne lui ferait pas de cadeau c'était normal après tout. Il voulait également aider son amant à diriger cette ville, mais il faudrait régler le problème Isaac avant. Tout ce qu'il souhaitait c'était que Vincent ne souffre pas à cause de lui non plus. Mais rien n'était moins sûr. Isaac était puissant, et avait un pouvoir égal à celui de Morgan. Il lui témoignait une haine si farouche que le prêtre doutait fortement qu'il reste bien sagement à Kiev. Sans doute était-il déjà à New York.

" Vincent....j'ai à te mettre en garde à propos du seigneur de Kiev. C'est un farouche rival de Morgan, et il le déteste plus que de mesure. Il ferait n'importe quoi pour le faire souffrir. Et malheureusement j'ignore si il ne s'en prendra pas à toi. Même si en étant un vampire tu crains moins, mais, il à la parfaite maîtrise de ses pouvoirs. Je sais qu'il ne se contentera pas de ce qu'il m'a fait. Tant qu'il ne l'aura pas fait souffrir jusqu'à le rendre fou, Isaac ne trouvera pas le repos. "

Le prêtre n'y tenait presque plus, à mesure qu'il parlait son envie de sang se faisait de plus en plus présente. La voix se faisait de plus en plus lancinante. Il se leva souplement et marcha jusqu'à la fenêtre. Son regard scruta l'horizon. Il faudrait qu'il attende avant d'assouvir sa faim. Orden ne voulait avoir à tuer un autre humain. Fermant les yeux il chercha tant bien que mal à chasser ces images qui se pressaient en lui.

" Orden......."

Il écarquilla les yeux. Isaac était ici, dans cette ville. Le fait qu'il l'entende aussi clairement prouvait qu'il était là. Quelque part autour de cette endroit. Orden ne montra rien de sa souffrance et garda un visage aussi fermé que possible. Il ne pouvait pas se permettre de replonger, pas maintenant, pas devant Vincent. Et Morgan ne tarderait peut-être pas. Se montrer dans cette état serait un supplice pour lui. S'éloignant de la fenêtre, il alla s'écrouler sur le fauteuil sans dire un mot, sans un regard au jeune vampire. Orden ferma les yeux. Son expression était neutre, mais la paleur soudaine de son visage montrait bien que quelque chose n'allait pas. Le prêtre songea avec ironie que entre Vincent et lui, Morgan avait plutôt à faire.

" Même si tu ne me fais pas de cadeaux, je suis plutôt content qu'il n'y ai pas de guerre ouverte entre nous. Morgan s'en sentira davantage apaisé. Mais s'il te plais, laisse lui le temps. Je sais que tu veux son exclusivité, mais laisse lui le temps. Et peut-être que les choses évoluront en ta faveur....."

[Vincent Lonenlill]

Les propos d'Orden éveillèrent la curiosité de Vincent. Le seigneur de Kiev... il n'en avait jamais entendu parler auparavant mais il fallait prendre aussi en compte qu'il n'était vampire que depuis peu et Kiev "tait une contrée fort lointaine. Ainsi, un Seigneur était prêt à faire tout ce chemin pour se venger de Morgan. Il avait déjà réussi à le faire souffrir en enlevant Orden et selon l'humain il était prêt à recommencer. Voilà qui était des plus inquiétants. Quelqu'un qui cherche à se venger est capable de tout. Il risquait d'être une sérieuse menace.

" De la manière dont tu me le décris, il semble être du genre à œuvrer par derrière, en usant de stratagèmes. Penses tu qu'il serait capable de tenter une action directe sur Morgan? Morgan aime parcourir la ville seul en moto et même si je suis sûr qu'il pourrait le battre en combat direct, je préfèrerais qu'il ne soit pas seul."

Les pensées se bousculaient dans sa tête. Il allait devoir exercer une certaine surveillance sur les sorties de son amant sans que celui ci s'en rende compte. Il devrait être discret et surtout, il devrait s'exercer à comprendre et à contrôler ses pouvoirs s'il devait un jour se mesurer à ce seigneur de l'est.

L'humain vint s'écrouler dans un fauteuil face au sien et Vincent observa la pâleur soudaine de son visage. Orden ne le regardait pas mais il ne fallait pas être devin pour voir que quelque chose n'allait pas.

" Tachons donc d'être courtois" répondit il à ses mots. Oui, il devait prendre sur lui et ne pas traiter mal Orden. Morgan l'aimait, il devait donc le tolérer. De toute façon, il ne pouvait pas faire autrement. La seule chose qui l'oppressait était qu'il ne savait pas comment il réagirait s'il surprenait un baiser ou des gestes intimes des deux amants devant ses yeux. Son impulsivité encore toute humaine risquait de l'entrainer à des extrémités.

Orden ne semblait vraiment pas aller loin. Sa pâleur était cadavérique .

" Tu n'as quasiment rien mangé depuis des jours. Tu veux commander quelque chose en cuisine?"
Il lui jeta un regard pénétrant.
"Encore une chose mystérieuse. Normalement un humain devrait être mort. Tu n'as rien avalé depuis ton arrivée et tu tiens toujours debout."

Il se souvenait bien que Morgan ne lui avait jamais ramené de nourriture mais que le vampire sortait de la chambre toujours un peu plus pâle, un peu plus exsangue.

[Orden Rosenkreutz]

Un soupir.

" Isaac est effectivement de ce genre là. Sa dernière confrontation avec Morgan lui à coûté un oeil. Il préfère agir à distance en s'attaquant à ceux de son entourage. Lui ne risque rien, mais nous beaucoup. C'est un spécialiste de la manipulation capable de rendre fou n'importe quel humain ou vampire. Ce seigneur te pousse dans tes dernières limites psychologiques, jusqu'à ce que de toi-même tu mette fin à tes jours. Il apprécie particulièrement ces petits jeux vicieux. Je te conseillerai donc d'être très prudent, je ne doute pas de ta force, mais il est plus âgé que Morgan, et surtout aussi expérimenté que lui. "

Orden se tut et glissa une main sur son visage devenu particulièrement pale. Sa faim grandissait, son envie de sang devenait presque incontrôlable et une lueur étrange se mit à danser dans les yeux gris du prêtre. Il essaya de se concentrer tant bien que mal sur les paroles de Vincent. Il lacha un rire froid avant de soutenir de son regard glacial celui du vampire. Il se sentait basculer et lentement devenir autre. Ce n'était pas la même folie que durant sa captivité, elle était plus froide, plus machiavélique. Il secoua la tête pour chasser ce sentiment malsain. Son visage exsangu reprit une expression neutre. Il lui devait au moins une explication sur ça.

" Oui normalement je devrais être mort. Mais c'est l'un des "miracles" du seigneur de Kiev. Je ne me nourris plus normalement depuis longtemps. Il a réussi en me torturant à me faire prendre goût au sang. Ces crises me prennent à intervalles réguliers et si je n'assouvis pas ma faim rapidement je ne me contrôle plus. Morgan m'a fait don de son sang lorsque je dormais. "

Le prêtre fixa désespérément le sol. Il se sentait lentement reprendre le contrôle. Mais lutter ainsi contre lui-même l'épuisait. Planter ses dents dans la chair, sentir le sang affluer dans sa gorge, et la vie qui s'échappait de ce corps palpitant. Il s'en mordilla la lèvre jusqu'au sang tout en se callant plus confortablement dans le fauteuil. Il ne devait pas bouger, il ne devait plus ouvrir les yeux. Les plaies de Vincent l'obnubilait. Mais il y avait également cette charmante serveuse. Pourtant une partie de sa conscience le sommait de ne pas commettre l'irréparable. Et surtout pas devant Vincent.

Les mains crispées sur l'accoudoir, Orden se mit légèrement à trembler. Presque imperceptiblement. Se concentrer sur autre chose que "ça". Mais plus il tentait d'éloigner cette faim grandissante plus elle le pressait et écrasait de son poids sa maigre résistance.
Faiblement il prit la parole dans l'espoir de gagner un peu de temps.

" Si tu pense que je suis un monstre je ne te contredirai pas. Isaac à fait de moi ce qu'il voulait, mais je ne suis qu'un humain après tout. Pourtant j'ai résisté, autant que je le pouvais, mais pas contre ça. Je ne pouvais pas. J'ai le sentiment d'errer entre deux état. Je ne suis plus un humain, mais je suis pas complètement un vampire. " Il rit. " Je ne sais même pas pourquoi je te dis ça. Tu ne devrais même pas me voir dans cet état. "

Orden laissa échapper un gémissement. C'était insupportable. Et il n'y avait qu'une seule et unique solution pour le guérir, éliminer définitivement Isaac. Encore fallait-il qu'il en trouve la force.

[Vincent Lonenlill]

Vincent écouta avec la plus grande attention les propos d'Orden à propos d'Isaac. Celui ci avait donc déjà affronté Morgan et il avait perdu un œil durant la bataille. A présent, il évitait un combat singulier et préférait user de stratagèmes déloyaux pour arriver à ses fins. Cela voulait dire qu'il avait peur de Morgan. C'était un bon point. Cependant, il était au courant de sa faiblesse : son entourage. En effet,le force apparente de Morgan se fissurait quand on s'en prenait à ceux qui l'entouraient. L'état dans lequel il était quand Orden était entre la vie et la mort en était la preuve. Isaac se servait des sentiments de Morgan pour l'affaiblir.
Vincent sut à cet instant quelle serait sa mission, même si celle ci allait lui demander de gros efforts et de la souffrance : il allait protéger son rival. Orden était certes un ancien chasseur mais face à un vampire comme Isaac, il ne faisait pas le poids. Vincent ne lasserait plus Isaac se servir de l'humain pour atteindre Morgan.

Orden lui raconta ensuite ce que le vampire lui avait fait subir et Vincent en frissonna de dégout. Comment pouvait on faire ça à un autre être? Isaac avait fait d'Orden un être hybride et contre nature, mi humain mi vampire. Il le contraignait à boire du sang tout en étant conscient de la chose.
Voilà donc pourquoi Morgan dépérissait à vue d'œil. Il donnait son sang à Orden au péril de sa propre vie.
La jalousie dévorante de Vincent le consuma à nouveau. Des visions des lèvres d'Orden sur le cou de Morgan, les draps défaits, le corps dénudé du vampire quand il l'avait découvert inconscient...Morgan aimait Orden au delà de la raison puis qu'il n'avait pu s'empêcher de lui faire l'amour alors qu'il était au bord du néant. Vincent savait qu'il ne serait jamais aimé ainsi par son amant. Et supprimer Orden n'y changerait rien.

Le vampire se rassit lourdement dans le fauteuil, évitant soigneusement le regard de l'humain. Il le haïssait d'exister, d'être à la place qu'il voulait avoir. A cause de lui, jamais Morgan ne lui offrirait son cœur et il ne pouvait s'enlever l'idée que quand Orden serait un vampire , il serait écarté. L'amour entre ces deux êtres était trop fort. Mais même s'il savait son combat perdu d'avance, Vincent se battrait jusqu'au bout.

Quand Orden gémi de souffrance il releva néanmoins la tête. L'humain n'allait vraiment pas bien. Il ressemblait à s'y méprendre à un vampire en manque. C'était plutôt écœurant mais le jeune vampire n'en laissa rien paraitre. Il ne pouvait s'empêcher d'apprécier la faiblesse de son rival.

Il se leva et se dirigea vers l'interphone fixé au mur.

"Envoyez moi quelqu'un." dit il dans le combiné avant de raccrocher.

Quelques instants plus tard, une jeune fille entrait dans la pièce, ses yeux clairs fixés vers le sol. Elle était petite, potelée et de jolies boucles brunes retombaient de part et d'autre de son visage de poupée. Autrefois, Vincent aurait adoré ce genre de fille mais c'était un autre temps.
Il passa une main sur son épaule puis la posa gentiment vers Orden, toujours assis dans le fauteuil.

" Ça restera entre nous" dit il à l'humain avant de se rassoir à son tour, observant la scène avec curiosité. La jeune fille ne comprenait pas ce qui se passait et il pouvait voir des tremblements parcourir son corps.
Vincent avait du mal à éprouver de la compassion pour la fille. Elle allait mourir, point. Le jeune vampire regardait Orden avec attention. Il savait qu'il agissait de manière cruelle mais il était curieux de le voir à l'œuvre. De plus, Morgan lui en voudrait terriblement s'il laissait son favori crever de faim devant lui. En somme, il faisait une bonne action...

[Orden Rosenkreutz]

Orden se sentait de plus en plus mal. Son corps se mettait à trembler imperceptiblement. Bientôt il ne pourrait plus se contrôler et il devrait s'abreuver à la plus proche source de sang. Cependant une partie de sa raison lui soufflait qu'il ne pouvait pas se montrer ainsi devant Vincent, pour la simple et bonne raison que celui-ci devait jubiler de son état de faiblesse. Son regard gris s'assombrit à cette pensée. Rien que deviner de la satisfaction dans les yeux du jeune vampire le rendait parfaitement malade. Ce n'était certes pas une guerre ouverte entre eux, mais là il lui donnait une raison suffisante pour l'éloigner de Morgan.

Il le contempla lascivement se lever et appuyer d'un doigts l'interphone pour demander de faire venir quelqu'un. Le prêtre écarquilla les yeux d'horreur. Il ne voulait pas qu'il l'aide ainsi. Il ne devait pas lui donner l'occasion de tuer à nouveau. Orden n'avait plus beaucoup d'attache avec le genre humain, mais il ne pouvait décemment pas faire ça. Il avait déjà prit trop de vies. Trop d'innocents étaient morts à cause de sa folie meurtrière. Son âme de prêtre et d'humain avant tout était toujours ancrée en lui. Bien entendu sa rencontre avec Morgan avait contribué à l'éloigner de tout ça mais pas à ce point là.

Cependant lorsque la jeune fille entra, le prêtre ne pu s'empêcher de passer une langue gourmande sur ses lèvres. Les yeux rivés sur la veine palpitante de son cou laiteux. Son envie se fit d'autant plus pressante et sauvage. Il la regarda s'approcher puis Vincent alla se rasseoir le fixant non sans une certaine curiosité illuminant son regard. Orden éprouva une certaine contrariété à le voir le considérer comme un animal, mais sa faim le dévorait. Il luttait pourtant. Cette envie de sang était insupportable.
Prenant faiblement appuit sur ses jambes il se leva et se dressa de toute sa hauteur devant la jeune femme potelée. Celle-ci se mit à trembler de plus belle et poussant un petit gémissement.

Le prêtre glissa ses doigts pales dans sa chevelure bouclée. Dans son regard dansait la folie. Lutter à quoi bon. Se penchant il posa ses lèvres sur sa veine palpitante. Il mordilla légèrement la peau. Orden n'y tenait plus, son envie était bien trop forte. La jeune fille essaya alors de se défaire de l'étreinte puissante de l'ancien chasseur sans grand succès. Il ferma les yeux puis mordit profondément la chair. Sa proie se débattit plus vivement et le prêtre lui saisit sans douceur les cheveux pour l'approcher plus encore. La vue qui s'écoulait hors de ce corps lui donnait plus de force. Les yeux clos il ne cherchait même plus à cacher le monstre qu'il était. Quelques minutes lui suffirent pour la vider entièrement de son sang. Se reculant il la laissa s'écrouler lourdement sur le sol. Horrifié Orden glissa une main sur ses lèvres pales. Il avait tué encore une fois, il n'avait pas su se contrôler.

Le prêtre se détourna et se rendit près de la fenêtre. Sa crise était passée, mais le prix à payer avait été le sacrifice d'une vie. Il soupira en songeant que Vincent avait dû trouver la scène très amusante. Il jeta un regard au cadavre de la jeune fille, puis fixa la ville au dehors. Le sentiment de culpabilité qui l'envahissait était insupportable. Il se trouvait répugnant de ceder à cette soif de sang. Et que penserait Morgan si il entrait dans la pièce. Le trouverait-il répugnant comme lorsqu'ils c'étaient retrouvés. Ou bien le comprendrait-il ? La simple idée qu'il le rejète le terrifiait. Appuyé sur le bord de la fenêtre il se prit la têtre en les mains silencieux. Son visage restait désespérément froid mais son coeur lui, se brisait en un millier de morceau. Il avait tué, encore une fois, et il ne pouvait le supporter en se sachant humain.

[Morgan d'Albertas]

Quand Morgan revint à lui, sa première pensée fut qu'il avait froid. Il papillonna des yeux et se redressa difficilement sur un coude en fronçant les sourcils. Il se sentait lourd comme une tonne de plomb.
Un coup d'oeil circulaire lui apprit qu'il était dans la chambre d'Orden et qu'il était seul. Son corps était entièrement nu, à moitié recouvert d'un drap.
Il se sentait comme engourdi, même son esprit était embrumé. Que s'était il passé? Avait il dormi longtemps? Il était fourbu comme s'il avait chassé des heures ou engagé un combat féroce avec un éventuel adversaire.

Il s'assit dans le lit et passa ses mains sur son visage. Les souvenirs revenaient peu à peu et le corps à corps torride avec Orden lui revint en mémoire, lui faisant monter le rouge aux joues. Jamais ils n'avaient fait l'amour aussi intensément et le plaisir avait été si intense qu'il en avait perdu connaissance. Le manque de sang et l'orgasme fulgurant qui l'avait parcorur avaient eu raison de lui et il avait sombré dans l'inconscience.
Mais alors, pourquoi n'était il pas mort? Il se rappelait vaguement qu'Orden était allé chercher du secours...et Il se souvenait maintenant : Vincent était arrivé et lui avait offert son sang. Il se rappelait de la sensation de ses bras forts autour de lui l'empêchant de sombrer un peu plus et de son sang qui l'avait rassasié. Il se souvenait avoir été violent. Vincent devait être blessé...

Et Orden? Où étaient ils? Morgan imagina soudain un éventuel tête à tête entre ses deux amants. Avec l'impulsivité de Vincent et l'insolence d'Orden, s'il n'y avait pas de morts, il devait s'estimer heureux.

Pris d'une sourde angoisse à l'idée que l'un ou l'autre gise dans une mare de sang quelque part dans le château, il se leva un peu titubant et entreprit de revêtir ses habits laissés sur le sol. Une fois habillé, il ouvrit la porte de la chambre et se mit à longer les couloirs à la recherche de ses amants.
Il croisa deux jeunes femmes de chambre qui répondirent à la négative quand il leur demanda si elles les avaient vu. Un autre employé nia également. Enervé, Morgan était prêt à égorger le prochain qui lui dirait qu'il ne les avait pas vu.
Heureusement pour le personnel humain du manoir, il croisa la petite servante qui venait d'apporter une carafe de sang à Vincent. Il la remercia d'une caresse sur la joue et la laissant rougissante derrière lui, se rendit jusqu'au petit salon qu'elle lui avait indiqué.

Il ouvrit la porte et ressentit immédiatement un vif soulagement. Orden se tenait près de la fenêtre et Vincent était assis dans l'un des fauteuils et l'un et l'autre ne semblait pas avoir livré combat.
Il vit immédiatement le corps au sol et fronça les sourcils en direction de Vincent. Etant le seul vampire dans al pièce et étant en manque de sang, Vincent ne pouvait être que le coupable aux yeux de Morgan.

"Vincent...on évite de toucher au personnel, tu as oublié? " lui dit il sur un ton de reproche avant de s'agenouiller près de la fille. Elle était morte. "La ville est grande et mon personnel qualifié. Je compte le garder le plus longtemps possible."

Il posa ses iris claires sur son compagnon et aussitôt, ses reproches fondirent comme neige au soleil. Vincent était faible...trop faible. Des cernes noires soulignaient ses yeux et ses bras étaient en sang. Une morsure béante défigurait son cou pâle.
Morgan délaissa immédiatement le cadavre de la soubrette et vint vers son amant auprès duquel il s'agenouilla, se saisissant délicatement d'une des mains.

"C'est moi qui t'ai fait ça. Tu aurais du m'en empêcher...tu es fort, tu en aurais été capable."

Sa langue retraça les contours des plaies du jeune vampire tandis que les blessures s'estompaient peu à peu.

Il savait qu'Orden était dans la pièce mais l'urgence était pour Vincent qui avait besoin de ses dons de guérisseur. Son Vincent...toujours là quand il avait besoin de lui. Vincent était l'épaule solide sur laquelle il aimait s'appuyer. Sans lui, où serait il en ce moment?

Une fois que les bras furent guéris, il se redressa un peu et entreprit de cicatriser la plaie au cou du vampire. Une fois que ce fut fait, il saisit son visage entre ses mains.

" Ne me laisse plus te massacrer de la sorte, d'accord?" et il vint cueillir ses lèvres en un baiser fugitif, trop rapide pour en apprécier la saveur.
Une main toujours posée dans les cheveux chatains de son compagnon, il se redressa tout à fait et se retourna vers Orden qui semblait confus, le visage tourné vers l'extérieur. Etait il triste de cet échange tendre entre les deux vampires? Se sentait il trahi? Ou était ce encore cet Isaac?

"Orden...est ce que ça va?" Murmura t'il.

[Vincent Lonenlill]

Vincent était curieux de voir Orden à l'œuvre. Cela pouvait sembler être de la cruauté mais en devenant un être de la nuit, Vincent avait laissé derrière lui la compassion envers les humains. La fille était à son service et il avait besoin d'elle pour voir ce qu'Orden allait faire. Sa réflexion s'arrêtait là.
Quand à Orden, il était en effet assez content de connaitre ce point faible chez lui. Il voulait pousser ses investigations un peu plus loin.
Enfin, Orden se leva. Le vampire voyait clairement la faim, le désespoir et le dégout passer dans ses prunelles bleues. C'était fascinant. Orden ressemblait à un tout jeune vampire, obligé de tuer pour se nourrir mais dégouté d'avoir à le faire.
Il regarda la jeune fille trembler puis tenter de se soustraire à la prise du chasseur. Le sang fut répandu et le vampire ferma un instant les yeux, humant le parfum délicieux et réprimant son désir de rejoindre Orden dans son festin.
Quand il les rouvrit, le corps inerte de la jeune fille tombait au sol. Le regard d'Orden était vide et son menton recouvert de sang encore chaud. C'est malin, il venait de donner faim à Vincent qui regardait le sang, une drôle de lueur dans le regard. Heureusement, Orden se détourna et vint s'appuyer à la fenêtre, visiblement accablé.

Le chasseur n'avait pas apprécié de tuer. Isaac l'avait condamné à un supplice des plus cruels et Vincent se sentit plutôt pitoyable d'avoir profité de l'état de faiblesse de l'humain. Morgan l'en aurait blâmé. sa jalousie était un poison mais il n'arrivait pas à s'en défaire. Si Morgan aimait Orden, c'était qu'il en était digne mais le jeune vampire ne se sentait pas capable de l'accepter. Avec le temps peut être... Pour l'instant, il l'enviait.

La porte s'ouvrit soudain et Morgan entra, le pas un peu tremblant mais il semblait aller bien. Vincent ne put s'empêcher de sourire...sourire qui se fana quand Morgan le réprimanda à propos de la jeune fille morte. Il pensait que c'était lui qui avait fait ça. Un instant, Vincent pensa dénoncer Orden puis il se ravisa. Il venait de lui infliger une sévère souffrance, il n'allait tout de même pas enfoncer le clou. Il lui avait dit que ça resterait entre eux et ça le resterait. Il n'allait pas impliquer Morgan dans sa jalousie et il aurait son cœur à la loyale. LA victoire n'en serait que plus grande.
Il se tut donc et détourna les yeux. Il détestait quand Morgan le réprimandait. Il était arrivé que le vampire soit en colère contre lui et à chacun de ces moments, Vincent se sentait très mal.

Mais la réprimande fut de courte durée et c'est un regard attristé que lui tendit Morgan en s'agenouillant près de lui.
*Oh, Morgan, ne me regarde pas ainsi ou je vais mourir de plaisir*
Il frissonna quand la langue de son amant cicatrisa les plaies de ses bras et un soupir s'échappa de ses lèvres quand les lèvres aimées se posèrent dans son cou, transformant la douleur en prémisse de désir.

"D'accord. La prochaine fois, je te laisserai crever." lui dit il dans un sourire tendre quand Morgan prit son visage entre ses mains. Il se noya un instant dans le regard acier et quand leurs lèvres se joignirent, une bouffée de désir à l'état brut monta en lui. Seul Morgan lui faisait cet effet là. Un souffle, une caresse et il brûlait de le déshabiller.
Le baiser fut trop rapide et Vincent, groggy de plaisir, ronronna comme un chaton quand la main de son compagnon vint jouer dans ses cheveux.

Puis il se rappela soudain de la présence d'Orden quand Morgan prononça son nom. Serait ce toujours comme ça à présent? Y aurait il toujours Orden entre eux? Vincent eut un sourire triste : de toute façon, Orden avait toujours été là.

[Orden Rosenkreutz]

Orden était chagriné, accablé de ce qu'il venait de faire. Il c'était éloigné en essuyant le sang qui coulait de son menton. Et à présent il n'y avait plus qu'un grand vide. Le prêtre se sentait mal. Comment pourrait-il encore regarder Morgan ou Vincent en face sans en ressentir de la honte ? Il n'était qu'un monstre, et même si il n'avait plus envie de fuir son amant, la douleur qu'il ressentait elle était bien ancrée dans son coeur. Alors il regardait désespérément le vide en espérant arrêter de sombrer dans l'horreur la plus absolue. Cependant, rien sur son visage ne laissait supposer qu'il souffrait autant. Rien peut-être à part ces deux feux d'un gris acier et pénétrant. L'ancien chasseur n'était pas quelqu'un de faible. Il en avait assez des larmes.

Et puis soudain quelqu'un entra dans la pièce. Orden n'eut même pas à se retourner pour savoir qu'il s'agissait de Morgan. Son coeur se serra dans sa poitrine. Mais il ne fit rien. Il laissa son amant soigner le jeune vampire. Il les entendi partager un fugitif baiser, une douce caresse. Bien sûr il ressentait une certaine douleur, mais elle s'éffaçait bien vite lorsqu'il pensait à la situation de vincent. Un sourire étrange orna ses lèvres pales. Morgan n'avait même pas pensé que cette jeune fille avait pu être l'une de ses victimes. Bien sûr c'était évident, mais lorsqu'il jeta un regard à Vincent il vit immédiatement sa faiblesse et son teint gris. Il devait avoir bien plus soif qu'il n'en laissait paraître et il ne doutait pas un seul instant que son petit "spectacle" avait dû l'affâmer davantage.

Un murmure.

Orden mit un certain temps avant de se retourner et de contempler le visage fatigué de son amour. Longuement il le fixa sans un mot, sans un sourire tendre. Son regard trahissait sa faiblesse et son désarroi, mais son visage restait désespérément de marbre. Le prêtre se força un lui donner un sourire mais le coeur n'y était pas. Il lacha d'une voix neutre :

" Ca va....."

Il ne pouvait supporter ce regard qui semblait lire en lui comme dans un livre. Orden se détacha de la fenêtre et vint s'accroupir près du cadavre de la jeune fille. La douleur se fit plus dense en son coeur. Ses doigts pales vinrent caresser son visage froid, puis s'enroulèrent dans sa chevelure de jais. Elle était douce, pure, cette jeune fille n'avait pas mérité le sort qu'on lui réservait. Et Vincent n'avait pas mérité que Morgan l'accable ainsi pour quelque chose qu'il n'avait pas commit. Attristé il fixa un long moment la morsure à son cou. Le prêtre semblait loin, très loin, prisonnier de ses pensées. Morgan était là, mais sa chaleur ne pouvait l'atteindre alors qu'il ne demandait que ça. Il se culpabilisait trop. Et sans un regard à son amant il lacha toujours de ce même ton neutre :

" Morgan, tu ferais mieux de t'occuper de Vincent. Il est plus en manque que tu semble le croire. D'autant qu'il n'est pas responsable de ce qui est arrivé à cette jeune fille...."

Même si les choses auraient dû rester entre eux. Orden ne pouvait supporter de mentir à son amant et de faire passer Vincent pour le coupable. Quitte à se faire traiter de monstre, il préférait être franc sur son état. Le prêtre ne cherchait pas vraiment à ménager son amour. Il savait que ce qu'il venait d'avouer le rendrait malheureux, mais qu'importe, Vincent était là pour le consoler. Alors il glissa ses bras autour du corps de la jeune femme et la souleva sans grande difficulté pour ensuite se rendre près de l'interphone. Il appuya et attendit que quelqu'un lui réponde. Il fit demander deux hommes fort qui arrivèrent quelques instants plus tard. L'un roux l'autre brun tous deux forgé dans un roc. Une carrure exemplaire mais une taille ridiculement petite comparé à l'ancien chasseur. Son visage se fit de marbre lorsqu'il s'adressa à eux si bien qu'il était impossible de savoir qu'il était humain. Il plaça la jeune fille dans leurs bras puis dit.

" Allez au cimetière et creuser sa tombe, mais ne l'enterrez pas, je tiens à le faire moi-même. Je vous rejoins dès que possible. Et trouvez lui un emplacement décent. "

Orden les regarda s'éloigner dans le couloir, puis il referma la porte. Poussant un soupir il glissa une main sur son visage. Cependant c'était comme si Morgan et Vincent n'étaient plus là. Une rage sourde monta en lui. Il se haïssait. Il ne supportait pas ce qu'il était devenu. Et sa colère fut telle qu'il donna un violent coup de point dans le mur. Le prêtre sentit ses os gémir sous l'impact et sa peau s'ouvrir pour laisser échapper du sang en abondance. Insensible, il ne sentait même pas la douleur. Puis tournant la tête il regarda son amant et son visage s'adoucit quelques secondes avant de reprendre son expression de marbre.

" Je te défends de soigner cette plaie Morgan. Je l'ai mérité, alors s'il te plais ne fait rien...."

Puis il s'éloigna pour venir s'asseoir dans un autre fauteil près d'une fenêtre. Il regarda dehors et aperçu au loin les silhouettes fugitives des deux hommes transportant sa victime. Orden leva sa main blessée à la hauteur de son visage et regarda son sang couler lentement..ploc...ploc.
Aucune excuse ne pourrait justifier ce qu'il avait fait. Ce regard dur, ces manières distantes, c'était une façon de se punir. Il n'avait su résister et le prêtre s'en voulait terriblement. Le pardon il n'en voulait pas. Et surtout il ne voulait pas qu'on lui dise que ce n'était pas de sa faute. Isaac y était pour quelque chose, mais c'était aussi à lui de savoir résister, et en tant qu'humain il se savait pas assez fort. Peut-être lorsqu'il serait un vampire il serait à même de ce contrôler, mais qui pouvait vraiment le savoir......

[Morgan d'Albertas]

Les plaies de Vincent étaient à présent cicatrisées grâce au don de guérison de Morgan. Celui, ci, la main dans les cheveux doux de son compagnon, regardait maintenant Orden avec angoisse. Le prêtre avait ce visage fermé qu'il avait quand quelque chose le tourmentait trop pour qu'il pusse le partager. Orden était ainsi : soit il éclatait en sanglots et évacuait ses tourments par ses larmes, soit il se refermait comme une huitre, son visage prenant l'apparence du marbre. Souvent, cela indiquait que c'était plus grave.
Morgan ne comprenait pas ce qui pouvait bien tourmenter son amant et l'espace d'un instant il craint qu'il recommençait à broyer du noir et à vouloir en finir. Quand il lui répondit sur un ton monocorde qu'il allait bien, le vampire fronça les sourcils, visiblement peu convaincu par son simulacre de sourire. Que s'était il donc encore passé pendant son sommeil?
Il jeta un regard soupçonneux à Vincent dont il connaissait la jalousie dévorante et les extrémités dans lesquels il se jetait à cause d'elle. Mais Vincent semblait bien trop faible en ce moment pour avoir pu faire quoi que ce soit à l'encontre d'Orden.

Ca ne pouvait être qu'Isaac alors...

Il fut conforté dans son idée quand l'ancien prêtre s'agenouilla devant le corps de la jeune fille avant de la soulever. Vincent n'était pas responsable?
Les yeux de vampire s'éclairèrent souvent de compréhension : la morsure dans le cou n'était pas celle d'un vampire. Elle était plus grossière.
Il prit enfin conscience que c'était Orden qui avait saigné à mort la soubrette et il comprit dans le même temps le pourquoi de son désarroi. Orden ne devait plus savoir qui il était. Il n'était qu'humain et pourtant il se nourrissait comme un vampire. Il devait se considérer comme un monstre.

Il le regarda, impuissant, demander à ce qu'on vienne chercher le corps et demander aux hommes qui vinrent de l'attendre pour enterrer la jeune fille.
Puis, le chasseur frappa violemment du poing contre le mur. Le sang gicla mais Orden refusa catégoriquement d'être soigné quand Morgan fit un pas vers lui. C'était une sorte de punition pour lui.

Il y eut un instant de silence.Des gouttes de sang coulaient du poing du chasseur, tombant sur le tapis.

Puis Morgan s'arracha à ce mutisme qui avait saisi l'ensemble de la pièce. Isaac avait assez fait de dégâts. Il fallait arrêter de regarder ce qui avait été fait et se pencher sur ce qu'ils allaient devoir faire.
Il se dirigea à son tour vers l'interphone et demanda un nouveau pichet de sang.
Quelques secondes plus tard, la commande arriva et Morgan se saisit de la carafe et d'un verre avant de sauter sur les genoux de Vincent.

" Tu as une mine affreuse, mon Vincent" lui dit il en remplissant le verre avant de le tendre vers ses lèvres pour le faire boire. " Toi aussi tu aurais du te choisir une appétissante serveuse."

Puisque Orden se nourrissait de sang et qu'il ne semblait pas pouvoir faire autrement, autant ne pas le faire culpabiliser plus et le traiter comme l'un des leurs. Le chasseur lui avait demandé d'attendre qu'il aille mieux avant de le transformer alors ils attendraient mais pas question qu'il le regarde à nouveau comme un monstre.

" D'ailleurs, nous devrions tous aller chasser. J'ai l'impression de m'encroûter. Je sais bien que je suis le premier à avoir demandé aux vampires de moins s'attaquer aux humains mais cette ville est à moi, non?"

Morgan avait pris ce ton d'enfant capricieux qu'il avait parfois et qui n'autorisait aucune objection. Tel un chaton, il se lova contre le torse musclé de Vincent et un sourire lumineux vint illuminer son visage.

"Orden. Enlève cet air lugubre de ton visage, ça ne te va pas. Je devrais te donner la fessée pour avoir mangé l'une de mes employées mais ça attendra un peu. Quand tu me le demanderas, je ferai de toi un vampire alors la manière dont tu te nourris n'est qu'une petite avance sur ce qui sera ton quotidien dans le futur. Isaac, en fin de compte, n'a réussi qu'à avancer le moment où tu deviendrais l'un des nôtres. J'ai fait des choses bien pires que ce que tu viens de faire alors arrête de t'en faire."

Il remplit à nouveau le verre de sang, en but une gorgée puis donna le reste à Vincent en appuyant sa tête contre son épaule. Il se sentait à présent très bien. Isaac n'aurait plus d'emprise sur Orden et bientôt, le seigneur de Kiev ne serait qu'un lointain souvenir.

"Je vais convoquer mon conseil un peu plus tôt que prévu pour régler le problème d'Isaac une bonne fois pour toute. Je ne vais pas lui laisser le loisir d'attaquer à nouveau en traitre. Je le tuerai de ma main cette fois ci."

Son regard se mit à flamboyer. L'idée du massacre à venir le faisait frissonner d'impatience. Oui, il ferait souffrir horriblement le vampire puis il tuerait tous ceux qui le servaient avant de faire raser Kiev. Il ne resterait pas un mur debout quand il partirait.
Ses lèvres laissèrent échapper un petit rire clair et enfantin, celui même qu'il avait quand son côté psychotique et violent prenait le dessus. Il se sentait à présent merveilleusement bien.

[Vincent Lonenlill]

Les blessures de Vincent avaient disparu et à présent le jeune vampire fermait les yeux, bercé par la main de Morgan dans ses cheveux. Il les réouvrit rapidement cependant quand Orden s'accusa de la mort de la jeune fille. Vincent le regarda avec effarement. Pourquoi ne laissait il pas Morgan dans l'erreur? Il avait le moyen de lui faire porter le chapeau alors pourquoi s'accuser? Dans l'esprit du vampire, c'était incompréhensible.
Il ne comprenait pas non plus le calme de l'humain face aux démonstrations d'affection à son égard. A sa place, il en aurait été vert de jalousie et serait parti en claquant la porte avant d'aller ruminer sa colère dans un coin reculé du manoir.
Il le regarda, étonné, prendre la fille dans ses bras et dire qu'il irait l'enterrer lui même. Pour Vincent qui perdait peu à peu son humanité pour un esprit tout à fait vampirique, la compassion envers le genre humain n'existait pratiquement plus. Cette fille serait morte de toute façon d'un jour ou l'autre. Grace à Orden, sa mort n'avait pas été trop douloureuse et elle était partie dans la fleur de l'âge, avant que la vieillesse ne vienne faner sa beauté. Pas besoin d'en faire tout un drame.

Il le regarda se mutiler la main et la vue du sang s'écoulant de son corps raviva la faim qui le tenaillait. Son regard était fixé sur le liquide carmin alors qu'il se demandait quel gout devait avoir ce sang. Sûrement délicieux puisque Morgan en buvait si volontiers.
Heureusement, son attention fut détournée par Morgan qui s'assit, pour son plus grand plaisir, sur ses genoux, une carafe de sang et un verre dans les mains. Vincent se posa la question en souriant pour lui même à savoir quelle était la chose la plus appétissante? Le sang ou le corps fin et souple de Morgan pressé contre le sien?
Le liquide rouge atteint ses lèvres et étancha sa soif.
L'idée d'aller chasser avec Morgan fit étinceler ses yeux bruns. Il adorait ces moments où ils parcouraient la ville à la recherche d'une proie avant de la débusquer, de jouer avec et de la saigner. Ils finissaient souvent en faisant l'amour.
Passant une main autour de la taille fine de son amant, il respira un instant l'odeur de son cou quand Morgan vint se blottir contre lui. Il avait envie de lui à cet instant.
Ses yeux revinrent pourtant à Orden qui, malheureusement, était présent. Son désir devrait attendre.

Quand Morgan parla de ses projets en ce qui concernait Isaac il acquiesça vivement. Il fallait régler ce problème au plus vite. Isaac était un danger pour Morgan et il fallait qu'ils prennent l'initiative du combat avant lui.

" Le conseil te suivra. Nous allons débusquer Isaac rapidement. S'il tient tant à se venger, il ne doit pas être loin. Et à vous entendre tous les deux parler de lui, je pense que si Orden est ici, c'est qu'il l'a délibérément laissé partir. Une sorte de piège peut être..."

Il pouvait sentir la jubilation de Morgan. Celui ci avait envie d'en découdre. Son petit rire insolent et enfantin en était la preuve. Parfois Morgan perdait toute notion de retenue. Il voulait quelque chose et ne lâchait pas l'affaire tant qu'il n'avait pas obtenu gain de cause. D'ailleurs il en était la preuve flagrante : Morgan lui avait fait une cour assidue jusqu'à ce qu'il cède à ses avances et finisse dans son lit. Et même après ça, il avait tout fait pour qu'il soit dépendant de lui. C'était ce qu'il était à présent. Morgan l'avait rendu amoureux au delà de la folie et avec Isaac, Vincent ne doutait pas un seul instant que Morgan arriverait à ses fins.

Il se saisit de la carafe et du verre que tenait Morgan et vida le reste du sang avant de déposer un baiser furtif dans le cou de son amant, capturant un instant entre ses dents la peau fine et odorante.

[Orden Rosenkreutz]

Orden était agacé...oui c'était ça agacé. Pas par les attentions que se donnaient Vincent et Morgan. Ils faisaient ce qu'ils voulaient et le jeune vampire était l'amant du seigneur au même titre que lui. Ce n'était donc pas pour ça qu'il sentait une certaine colère poindre en lui. Non c'était à cause des propos de son propre amour. Bien sûr il était humain et lui vampire depuis des siècles. Il se rendait à présent compte qu'un fossé les séparait sur bien des points. Ca n'éffaçait en rien l'amour qu'il avait pour lui mais le prêtre se sentait définitivement seul et pour le moment incomprit. D'ailleurs Morgan se mit à parler avec ce petit ton enfantin qui lui déplaisait fortement. Cette attitude désinteressé le blessait plus qu'il ne pouvait le penser. Et ce qu'il lui dit sur son séjour avec Isaac fini de l'achever et de le déstabiliser. Il attendit que Vincent finisse de prendre la parole et fit claquer violemment ses mains sur les accoudoirs du fauteuil.

" Morgan ça suffit ! "Siffla t-il.


Le prêtre se leva et vint se planter devant les deux amants fixant froidement Morgan, une lueur de profonde tristesse ancrée dans ses yeux gris.

" Comment peux-tu dire ça ? Comment peux-tu penser comme ça ?! Ce n'était pas un jeu ! Isaac n'a participé à rien du tout, tu entends ! A RIEN DU TOUT ! J'ai été détruit, on ne peut pas faire comme si rien n'était arrivé. Et tu ne peux pas me dire que je suis plus proche de vous ! Je ne suis pas un vampire ! Tu crois que ça me fait plaisir d'ôter la vie à d'autre. Enfin Morgan, j'ai été prêtre pendant plus de quinze ans. J'ai apprit à respecter la vie quel qu'elle soit. Et je sais que même en tant que vampire ça ne changera pas. Je ne suis pas comme toi Morgan. C'est notre différence qui nous a uni mais je ne pensais pas qu'avec tout ce temps tu aurais si peu mûri. "

Et tout en parlant des larmes belles et silencieuses s'écoulèrent de son visage. Orden restait digne, mais il était profondément blessé. Il se savait dur dans ses propos, mais là c'était bien trop dur pour lui. La douleur dans son coeur ne faisait que grandir et le déchirer à chaque seconde qui passait. Il n'était pas un vampire, et ce besoin lui faisait réaliser l'être monstrueux et hybride qu'il était devenu. Bien entendu Morgan n'avait pas voulu être blessant, il en avait conscience, mais sa raison aussi bien que son coeur ne pouvait pas supporter d'entendre ça. Orden était dans la detresse la plus totale, et il avait l'impression que son amant refusait de le voir. C'était comme si les portes de l'espoir venaient de se refermer et l'empêchaient ainsi de recouvrer la santé.

Il fixa Morgan et ce qu'il lu dans son regard le fit frissonner d'horreur. Il détestait ce côté violent qui flamboyait dans ses prunelles claires. Ce goût du massacre. C'était ce regard qui l'avait conduit à le haïr lorsqu'il était enfant. Orden sentait que l'aide qu'il avait voulu lui apporter était bien vaine. Il se souvenait de cette fois où ils partageaient tous deux une tendre étreinte. Il le revoyait pleurer dans ses bras et lui dire qu'il était un monstre. Ce monstre, il le voyait de nouveau dans ses yeux. Orden avait envie de hurler sa douleur de le voir ainsi, mais il n'en fit rien. Il conserva un visage glacial mais ses deux feux gris refletaient une inssupportable douleur.

" Fais ce que tu veux de Isaac. Mais...Kiev est ma ville natale. Alors sache que si tu laisse libre cour à ta soif de massacre et de haine sur elle, je t'en voudrais pour l'éternité. "

Le visage du prêtre se radoucit et se détournant il ferma les yeux.

" Je n'ai pas envie d'aller chasser, j'ai eu mon quota de massacres pour la journée. Mais allez-y. Ca vous permettra de vous retrouver seuls. J'ai besoin de prendre l'air."

Orden savait qu'il avait probablement gâché l'ambiance et que Vincent lui en voudrait pour l'avoir privé d'un moment tendre avec Morgan. D'ailleurs il espérait que son amant se console dans les bras du jeune vampire. Il ne se sentait pas la force de l'affronter encore une fois. Il n'avait plus la force de rien. Son moral était anéanti, cependant il ne pensait pas à s'enfuir, le prêtre ne le voulait plus. Son seul souhait était de guérir. Alors il se dirigea vers la porte et l'ouvrit. Il lança : " Si tu me cherche je serai au cimetière. Vincent, je te souhaite du bon temps avec Morgan. Amusez vous bien. "

Puis il partit.....

[=> Cimetière]

[Morgan d'Albertas]

Morgan ne comprit absolument pas la scène qui suivit. Orden se leva levé brusquement et les mots qui suivirent furent secs et plein de colère. Pourquoi? Qu'avait il dit?
Interdit, Morgan avait assisté à la fureur de son amant sans prononcer un mot, trop choqué pour lui répondre. Orden venait de lui dire qu'il n'était pas comme lui, qu'il ne prenait pas plaisir à tuer et que jamais il ne deviendrait comme lui.
Ces mots blessèrent profondément le vampire. Tout ce qu'il avait voulu faire c'était pour Orden. Il voulait le faire aller de l'avant, le venger et lui faire oublier ce qu'il avait vécu...alors pourquoi ces mots blessants?
Le prêtre semblait souffrir mais à et instant Morgan n'arrivait pas à comprendre cette souffrance. Orden ne voulait il plus le rejoindre dans l'éternité?

Les derniers mots qu'il prononça lui glacèrent le sang et un long moment de silence suivit le départ du chasseur. Morgan, prostré, le visage fermé, semblait s'être transformé en statue. Les mots de son amant tourbillonnaient dans sa tête. Orden mettait une distance entre eux, il se jugeait différent...trop différent peut être pour qu'ils se comprennent vraiment. Pourquoi? Morgan ne comprenait pas...ou plutôt il n'osait pas comprendre.

La petite voix insidieuse qui l'avait quitté depuis longtemps refit soudain surface, se moquant ouvertement de lui : à quoi s'attendait il en tombant amoureux? Orden commençait à ouvrir les yeux sur ce qu'il était réellement...
Morgan avait froid à présent. Il avait fait de cette ville la sienne et tous les habitants le craignaient en le traitant à mi mots de tyran. Il s'était entouré de conseillers qui ne voyaient en lui qu'un moyen de vivre dans le luxe...et maintenant Orden qui lui avouait presque clairement qu'il ne serait jamais un monstre de cruauté comme lui...

Ses fantômes resurgissaient tandis que sa main s'accrochait désespérément au bras de Vincent. Vincent...Vincent l'aimait, il le lui avait tant de fois répété qu'il ne pouvait en douter mais l'aimerait il toujours? N'allait il pas lui aussi se rendre compte du monstre qui sommeillait en lui?

"Vincent...Vincent..."murmura t'il tel un enfant perdu. "Pourquoi m'a t'il dit ça? Pourquoi? Je voulais juste le venger...je voulais qu'on oublie...je voulais..."

Tremblant sous le choc, il se sentait perdu. Même les bras de Vincent n'arrivaient pas à le rassurer.
Son dégout pour lui même refit surface et d'un bond il se leva des genoux de son compagnon. Son regard translucide reflétait une détresse sourde. Si Orden s'éloignait de lui il ne savait pas de quoi il serait capable. Tuer, tuer et encore tuer. Personne ne serait épargné par sa douleur. S'il ne pouvait avoir celui qu'il aimait, alors le monde sombrerait dans le chaos.
Complètement absent du monde qui l'entourait, il se dirigea vers la porte et sortit, sans un mot pour Vincent, sans une pensée pour la peine qu'il risquait de lui faire en courant après Orden au lieu de rester à ses côtés. Il n'y avait plus que deux mots dans sa tête : Orden et cimetière.

[ le cimetière]

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