Enterrement

[Orden Rosenkreutz]

[=> Petits salons, Premier tête à tête]

Orden avait marché d'un pas rapide depuis le manoir. Ces rues il les connaissait par coeur. Il ne lui fallu que quelques minutes pour passer les grilles de l'immense cimetière de la ville qui se remplissait chaque jour un peu plus de morts. Il ne tarda pas à trouver les deux hommes qui avaient creusé la tombe de la jeune fille. Il les renvoya d'un regard et attendit qu'ils fussent sortis du cimetière pour enfin s'occuper de sa victime. Le vent souffla et balaya sa chevelure en arrière. Le prêtre contempla longuement le visage de la soubrette. Elle n'avait pas connu la vieillesse, et probablement qu'elle était dans un monde meilleur. Mais peut-être aussi aurait-elle voulu vivre plus longtemps.

Il se saisit de son corps et l'enveloppa d'un drap blanc qu'il avait prit avant de partir. Puis lentement il l'a déposa dans la petite case de terre que les deux hommes avaient courageusement creusé pour elle. Se baissa il cueillit une fleur de nuit qu'il lança sur son corps enveloppé avant de réciter quelques prières. Il se saisit ensuite de la pelle et jeta de la terre sur ce corps qui ne reverrait plus jamais la lumière. De longues minutes passèrent et son ouvrage s'acheva enfin. Orden ne connaissait même pas son nom. Personne ne viendrait la pleurer, personne à part lui. Le prêtre confectionna une croix de branches puis la planta.

Sa douleur s'accentua dans sa poitrine. Il repensa à ce qu'il avait dit à Morgan. Sa dureté. Orden se sentait pitoyable, et il ne pouvait s'empêcher de ressentir l'éloignement qui se créait entre eux. Le prêtre ne souhaitait pas que ça arrive. Il aurait voulu que tout redevienne comme avant, mais il ne pouvait se leurrer. Rien ne serait plus jamais pareil. Il y avait Vincent et sa jalousie maladive, Isaac, les responsabilités de son amant, les rivalités entre les autres seigneurs. C'était comme si le destin cherchait à les séparer. Et plus il y pensait, plus il se rendait compte qu'il ne pourrait jamais vivre sans lui. Il l'aimait à un point inimaginable.

Une larme, puis deux.

Un flot d'argent s'écoula de ses joues pales. Il se recula et vint s'asseoir sur la pierre d'une tombe voisine. Un gigantesque sentiment de solitude l'envahissait. Aujourd'hui il était seul, et là ou avant celà ne l'aurait pas gêné que Morgan ne cherche pas à le comprendre, à présent ce manque d'interêt pour ce qu'il pensait le blessait profondément. Alors pour se consoler il se disait qu'il était devenu trop égoïste, que Morgan avait beaucoup de responsabilités, qu'il avait cru que pendant tout ce temps il était mort ou bien en train de le tromper avec un autre. Cependant c'était vain de penser ainsi. Quelque chose n'allait pas. Quelque chose n'allait plus. Et il craignait de voir disparaître sa seule raison de vivre. Perdre l'amour de Morgan lui semblait insoutenable.

Ses doigts légèrement tremblant effleurèrent son visage. Il sécha ses larmes comme il pu, mais bientôt il du se résoudre à les laisser couler.

Le cimetière était silencieux autour de lui. Aucune présence, pas même le hululement d'une chouette. Juste lui, et une blessure profondément ouverte.....

[Morgan d'Albertas]

Je ne serai jamais comme toi...ces mots le hantaient à présent tandis qu'il marchait le long des rues, trop perdu pour ne serait ce qu'utiliser ses dons pour se rendre plus vite au cimetière. Qu'avait voulu dire Orden? Qu'il ne pourrait jamais être un monstre comme lui? Qu'ils étaient trop différents? Qu'il le dégoutait? Morgan nageait en plein doute. Il ne comprenait pas la douleur du prêtre. pour lui, tuer était un acte presque banal. Il n'éprouvait pas un plaisir particulier dans l'acte mais c'était la mort des autres qui le faisaient vivre et il avait appris à vivre avec depuis longtemps. Il avait aussi tué pour se venger. Longtemps il n'avait pu supporter le bonheur des autres. Est ce que ce tourment revenait? Sans doute car la petite famille qui marchait rapidement sur le trottoir d'en face lui donnait des envies de meurtre. La mère crierait elle quand il arracherait la tête de son petit garçon? Le père essaierait il de défendre sa femme quand il l'égorgerait pour la laisser se vider de son sang sur le sol? En fin de compte, Orden avait entièrement raison. Ils ne seraient jamais semblables car le prêtre ne pourrait jamais atteindre sa monstruosité.
Il laissa sauve la famille mais quelques instants plus tard, un pauvre clochard qui sans doute ne l'avait pas reconnu et l'avait abordé pour une pièce n'eut pas la même chance. Son corps sans vie tomba au sol tandis que Morgan le dépassait sans même un regard. Du sang sur les mains et dans le cœur, il laissait lentement la colère l'envahir. Une rage sourde se faufilait dans ses veines, occultant tout le reste. Il se sentait revenir des années en arrière quand seul et aigri, il semait la terreur sur son passage avec haine et désespoir.
Au fond de lui même une voix faible lui disait qu'il n'avait pas envie de redevenir ce monstre mais une autre lui répondait qu'il l'avait toujours été et que depuis tout ce temps il se mentait à lui même.

Il n'était plus qu'à quelques mètres du cimetière quand une petite silhouette pâle attira son attention. Une jeune fille rasait les murs, courant presque. Elle rentrait sans doute chez elle. Elle était brune, petite...comme la soubrette qu'Orden avait tué. Elle avait peur aussi...Morgan pouvait sentir d'ici son souffle saccadé et les battements désordonnés de son coeur.
Un sourire inhumain se dessina sur ses lèvres quand il fondit sur elle et qu'il planta ses crocs dans la chair palpitante.

Quelques instants plus tard, il entra dans le cimetière, la morte dans ses bras.
Il aperçut Orden assis près d'une tombe fraichement creusée. Une bouffée de rage envahit le vampire en le voyant ainsi. Orden voulait il donc être vampire ou non? Il en doutait à présent.

Il s'approcha de son amant et jeta le cadavre à ses pieds. Ses yeux gris avaient perdu à cet instant toute trace d'humanité, laissant entrevoir l'être impitoyable qu'il était parfois.

" Tu devrais creuser une tombe pour celle là aussi. Puis une aussi pour ceux que j'ai croisé en chemin et ces derniers siècles. Tu pourrais recouvrir cette ville de tombe avec tous ceux que j'ai tué."

Il jeta un regard sans vie à la tombe de la soubrette.

" Qu'est ce que tu imaginais? Je suis ce que je suis, Orden. Un vampire, un tueur, un monstre...c'est toi qui vois mais c'est comme ça et je n'y peux rien. En tous cas, merci pour le sermon de tout à l'heure. Ces derniers temps, j'étais devenu trop sentimental. Mais tu m'as rappelé qui j'étais et ma folle idée d'être un autre."

Il parcourut le cimetière du regard et fut pris d'un petit rire nerveux.

" Tu sais ce que j'ai envie de faire à l'instant? Raser cette ville stupide et tous ces crétins d'humains qui pensent arriver à y survivre et à y reconstruire leur vie. Moi, tout ce que je voulais c'était te libérer...éliminer toute trace de tes souffrances passées..."

Sa voix s'éteint et il tourna le dos à son amant avant de s'éloigner. D'un coup de pied rageur, il renversa une croix qui se brisa en plusieurs morceaux au sol. Il avait envie de désordre et de chaos...maintenant! Oui, il fallait qu'il évacue cette douleur...et cette peur surtout. Il était terrorisé à l'idée d'être cette chose qu'il ne voulait pas être...terrifié de perdre Orden...terrifié par le poids de son passé.

[Orden Rosenkreutz]

Orden était là, pleurant silencieusement. Il était perdu, son avenir était des plus incertain et il avait peur, si peur de perdre celui qu'il aimait. Pourquoi avait-il fallu que Isaac existe qu'il l'enlève durant deux ans. Pourquoi avait-il fallu qu'il soit si différent ? Rien ne serait-il plus jamais comme avant ? Morgan et lui allaient-ils se tourner le dos et s'éffacer de leur vie ? Sans un regard, sans un mot ? Son coeur se serra douloureusement. Les choses ne pouvaient être ainsi. Elles ne pouvaient continuer de la sorte. Ou tout allait se briser définitivement.

Il fut soudain sorti de ses pensées lorsque quelque chose roula à ses pieds. Le cadavre d'une jeune fille semblable à sa victime. Lorsqu'il releva la tête le prêtre croisa le regard froid de celui qu'il aimait. Et son coeur se déchira en un millier de morceau. Ce même regard. Morgan était redevenu l'être assoiffé qu'il était. Celui qu'il avait si longtemps tenté de guérir. Et tout était à refaire. Il l'écouta sans rien dire, mais horrifié de ce qu'il lui dit. Il ne l'avait pas voulu. Ce n'était pas ce qu'il voulait dire. Morgan n'était pas un monstre. Lorsqu'il avait dit qu'il n'était pas comme lui, c'était seulement qu'il n'était pas un vampire, et ça vallait également pour Vincent. Il ne s'habituait pas à ôter la vie tout simplement parce qu'il était humain. Ce qui restait de vivant en lui le forçait à respecter ce qu'on lui avait donné. Orden réalisa soudain que leur amour ne tenait probablement plus qu'à un fil.

Le prêtre retint un cri de profonde douleur en se mordant la lèvre jusqu'au sang. Des larmes perlèrent à ses yeux. C'était horrible. Cette situation n'aurait jamais du exister. Mais la douleur grandissait encore et encore.

" Pourquoi à t-il fallu que les choses tournent ainsi ? Pourquoi le destin nous a t-il séparé ? C'est injuste. Jamais ça n'aurait du arriver. Maintenant....j'ai l'impression qu'on s'éloigne l'un de l'autre....et j'ai peur....je ne veux pas te perdre.....mais j'ai le sentiment d'être un poid pour toi.....je sais très bien que tu ne peux pas me comprendre parce que je suis humain, parce que nous avons tous deux des parcours différents. J'essaye de me faire une raison......mais c'est vain.

Il marqua une pause, et fixa le dos de son amant. Il voulait ses bras, mais c'était comme si le froid le retenait.

" Je voulais seulement que tu me comprenne. Je n'ai pas besoin que tu me venge. Je n'ai pas besoin que tu tue pour moi. Je te veux juste toi. Il n'y a que toi qui peut me rendre heureux. Alors pourquoi j'ai l'impression qu'un fossé nous sépare. Morgan....pourquoi.....? Je ne le veux pas. Je suis....trop faible.....je voudrais pouvoir être encore l'épaule qui t'accueillait lorsque tu souffrais......mais c'est moi qui ai besoin de ton épaule maintenant......"

Orden continua de pleurer silencieusement. La douleur était insoutenable. C'était cruelle. Les choses ne pouvaient pas se terminer ainsi. Non elle ne le pouvait pas. Il fixa lascivement le cadavre. A quoi bon, lui-même avait tué sans distinction ces dernières années. Hommes, femmes, et même enfants. Mais il le supportait de moins en moins parce qu'il savait que Isaac avait prise sur lui à ces moments là. Il ne cedait pas à la pression de sa propre envie, mais à la volonté du seigneur de Kiev. Et ça l'horrifiait, car il pouvait probablement avoir le contrôle sur lui à tout moment. Et même sans ce contrôle, il arrivait à faire du mal à Morgan. Il se détestait profondément.

" Tu dois probablement me haïr maintenant. Je comprends. Je déteste ce que je suis devenu. Je te fais souffrir inutilement. Tu n'as pas besoin d'un poids dans mon genre. Cependant, je ne m'enfuirai pas. J'attendrais que tu me dise que tu ne veux plus de moi ou que tu me tue comme n'importe quel humain. De toute façon je l'aurais mérité. J'ai perdu la notion même de ce qu'était autrui. Je n'ai pensé qu'à moi et à ma propre souffrance. C'est ma punition, je ne mérite plus ton amour......pourtant je t'aime plus que tout au monde. Faut croire que c'est le propre de l'humain. On se rend compte de ce à quoi on tient vraiment qu'une fois qu'on l'a perdu......je suis....désolé......"

Orden était désolé de ne plus être le même, désolé d'avoir tenu des propos aussi blessant, désolé d'être si égoïste, désolé de seulement réclamer ses bras, une étreinte, contre un peu de bonheur. Est-ce que Morgan allait disparaître dans l'ombre de ce cimetière ? Allait-il l'abandonner ? Le tuer ? Le prêtre ferma les yeux. Il ne pouvait pas affronter ça. Il ne pouvait pas supporter de le voir partir, il imaginait presque ses pas s'éloigner dans les feuilles mortes. Et alors il se retrouverait seul et deviendrait le repas d'un vampire quelconque. Se recroquevillant sur la tombe, il ramena ses genoux contre lui et y enfouit son visage. Il avait le sentiment que plus rien n'était à espérer et que tout était à regretter. L'édifice semblait détruit. Isaac avait gagné.......

[Morgan d'Albertas]

Morgan ,en proie à des tourments qu'il croyait avoir oublié, n'entendait que des bribes des paroles d'Orden derrière lui. Sa colère et sa peur étaient trop bruyantes dans sa tête, comme un millier d'insectes à l'intérieur de son crâne qui bourdonnaient jusqu'à le rendre fou.
Il évacua sa colère sur les tombes du cimetière qui se brisaient une à une sur son passage. Des caveaux s'effondraient sur eux même, recouvrant la scène d'un nuage de poussière piquante. Le vampire était à bout de nerfs. Le retour d'Orden, leurs mots d'amour, leurs étreintes enflammées...tout ceci allait il donc s'envoler? Sans doute ça n'avait été qu'un rêve et les rêves ne sont pas faits pour être vécus. Morgan venait de se réveiller et il avait mal. Tout ici était sombre, vicié et corrompu. Il tentait de créer un monde idéal où les deux races sauraient un jour cohabiter mais il maudissait à présent sa naïveté : le monde resterait sa prison.

Quelques mots d'Orden arrivèrent à ses oreilles. Il ne voulait pas qu'il le venge. Il le voulait juste lui. Il l'aimait.
Morgan laissa à nouveau échapper un petit rire nerveux et s'assit lourdement sur une pierre tombale encore en place.

" Mais comment veux tu que j'oublie que l'on t'a arraché à moi? Je regrette, c'est impossible. Il t'a fait subir mille tortures, il t'a affamé, obligé de manger la chair de ceux de ta race...sans doute t'a t'il forcé aussi...non, Orden. Je ne t'écouterai pas sur ce point. Je tuerai Isaac et tous ceux qui me mettront en travers de mon chemin. Que tu sois d'accord ou non, ça m'est égal. "

Morgan serait inflexible sur ce point. Isaac payerait de la plus chère des façons. Il le supplierait de l'achever et Morgan prendrait un plaisir infini à le faire.

Orden pleurait. Morgan entendait ses sanglots mais encore sous l'effet du choc, il n'arrivait pas à en éprouver de la compassion. La méchante petite voix dans sa tête lui disait qu'il avait bien mérité de pleurer un petit peu, qu'il le faisait souffrir, qu'il méritait même d'être puni sévèrement.
La voix monstrueuse l'incitait sournoisement à donner une leçon au prêtre. Elle lui disait que le chasseur avait trop d'emprise sur lui, qu'il le rendait faible, qu'il ne cherchait même pas à le comprendre. Quelques jours au cachot, un châtiment corporel, des mots durs et sans appels!

Morgan s'arracha difficilement à cette voix qui, endormie depuis longtemps, sonnait à présent aussi claire et vivante que jamais.

Sa voix résonna à nouveau, amère et rauque.

"Ca serait si facile, hein Orden? Je te chasse ou mieux, je te tue et tes souffrances sont finies. Tu répètes toujours que tu m'aimes mais tu fais tout pour que je ne t'aime plus. On dirait que tu le fais exprès. Je veux te venger, te consoler, faire de toi mon âme sœur pour l'éternité et tu te dérobes à chaque fois ou tu me craches à la figure le fossé qu'il y a entre nous. Je ne sais plus, Orden...je ne comprend plus..."

Il se prit la tête entre les mains.

" qu'est ce qui m'arrive? Cette voix...cette voix...elle me dit de te faire tant de choses affreuses...il faut que je partes ou je vais te faire du mal..."

Il se releva et se retourna un instant vers Orden. Son regard vacilla, laissant entrevoir à son amant le désarroi dans lequel il se trouvait puis la lueur mauvaise reprit le dessus.

" Tu as raison, tu mérites que je ne t'aime plus. "

Puis les yeux de Morgan s'agrandirent d'horreur en entendant ce que ses lèvres prononçaient sans même qu'il l'ait voulu. Quel se passait il? Pourquoi perdait il tout contrôle sur lui? Au fond de lui, quelque chose le poussait à faire du mal à Orden. Cette voix mauvaise lui soufflait de le frapper, de le faire saigner, supplier, de le maudire...

"Orden...qu'est ce qui se passe?" murmura t'il, de nouveau perdu. "Eloigne toi...je vais te faire du mal...éloigne toi..."

Et titubant, il recula. Il ne laisserait pas la partie monstrueuse de lui prendre le dessus. Jamais il voulait faire du mal à Orden. Il l'aimait. Il l'adorait.

[Orden Rosenkreutz]

Orden attendit silencieux que le châtiment tombe. Il attendit que Morgan déverse sur lui sa colère. Il le méritait. Mais il tremblait. Parce qu'il ne voulait pas entendre ce qui allait suivre. L'entendre lui dire qu'il ne l'aimait plus, que tout était fini. Qu'il n'y avait plus aucune chance pour eux. Leur amour semblait impossible depuis le départ, mais le prêtre voulait encore y croire. Cependant la douleur ne manqua pas. Il releva faiblement la tête lorsque son amant commença à parler. Son coeur allait mourir. La dureté de son ton le frappa avec une violence inouit et la souffrance qui en résultat bien plus forte que tout les coups qu'on avait pu lui porter. Horrifié il le regarda prendre sa tête de ses mains et lui dire qu'une voix le poussait à lui faire du mal. La folie semblait le gagner de nouveau et Orden en éprouvait une intense douleur. Jamais il n'aurait pensé qu'un jour leur amour s'éffriterait ainsi. Etait-ce finalement qu'une banale histoire qui censé durer l'éternité n'avait finalement existé que quelques misérables années ? Non, non. Le prêtre se coua la tête. Ca ne pouvait pas être ça. Leur amour ne pouvait pas être une banale aventure c'était impossible.

Une parole.

Le prêtre écarquilla les yeux, et ce qui restait de son coeur se déchira définitivement. " Tu mérite que je ne t'aime plus. " Cette phrase tourbillonait dans son esprit, et Orden dévisageait son amant incrédule. Il avait bien entendu. Il le rejetait. Ces paroles rudes sonnaient comme le glas de leur histoire. Il ne pu empêcher les larmes de dévaler son visage. C'était horrible. Un gouffre s'ouvrait sous ses pieds, et il n'y avait plus rien. Il était vide. Sans cet amour plus rien n'existait en lui. Le néant l'envahit. Son regard se voila de chagrin. Le prêtre ne serait plus désormais qu'un âme en peine. Il regard son amant reculer et lui dire qu'il ne savait pas ce qui se passait, qu'il devait s'en aller sinon il lui ferait du mal. Orden ne l'écouta pas et se leva pour venir près de lui tout en soutenant son regard. Il osa avancer une main vers son torse mais la retira avant même de le toucher. Il avait peur de s'y brûler, de ne plus sentir l'amour que lui ressentait encore. Ses jambes tremblèrent et Orden se laissa tomber à genoux aux pieds de son amant.

La tête basse et fixa désespérément le sol, ses larmes s'écrasant sur la terre de ce cimetière. Ironiquement il songea qu'ils étaient au parfait endroit. Morgan n'aurait pas à faire beaucoup d'éffort pour se débarasser de son corps. Ses mains tremblantes se joignirent sur son coeur. Faiblement il prit la parole.

" Non Morgan, je ne m'en irai pas. Je ne fuirai pas, pas cette fois. Si je dois mourir pour que tu te calme alors j'accepte mon sort. Tu ne m'aime plus c'est ton droit, mais je t'ai dit autrefois que je t'appartenais, et c'est toujours le cas aujourd'hui. "

Un rire amer et douloureux franchit ses lèvres.

" C'est drôle....jamais je n'aurais imaginé que les choses finiraient ainsi entre nous. J'aurais aimé partager l'éternité avec toi, j'aurais aimé te soutenir et égoïstement je pensais pouvoir t'éloigner de ce que tu étais. En t'offrant des sentiments je tai fait souffrir au delà de l'imaginable. Je m'en excuse. Même si je t'aime, je n'ai pas le droit de t'imposer ça. Morgan....je..n'ai pas envie de mourir, mais si tel est ton choix, alors je ne peux rien empêcher. J'ai gâché ce que nous avions construit, maintenant je dois en payer le prix."

Un long silence suivit ses paroles. Orden attendait que le châtiment tombe, il attendait la colère de son amant. Et pour la première fois la peur de mourir le tenailla. Parce qu'il savait que si il partait jamais plus il ne retrouverait les bras de Morgan. Rien ne l'attendait au delà de cette vie. Il n'y avait personne et il serait damné dans un enfer de solitude. Relevant la tête il osa à peine regarder le vampire de peur de lire dans son regard toute la haine que son amant avait pour lui. Un faible rayon de lune perça les nuages. Le prêtre se souvint alors de ce qu'il avait fait promettre un jour à Morgan. Il ne deviendrait vampire que sous les rayons de cette lune. Aujroud'hui il n'y avait plus aucune chance pour que celà se produise. Une profonde tristesse résultat de cette pensée. Tout en contemplant l'astre le vent souleva délicatement sa chevelure sombre. Fermant les yeux il respira une dernière fois l'air de cette ville. Il était convaincu que tout s'achèverait ici.

" Si j'avais tenu ma promesse envers toi, cette Lune aurait été parfaite........"

Orden baissa la tête et attendit, attendit et attendit encore que les coups viennent et que le glas de leur histoire sonne, achevant ainsi sa misérable vie.

[Morgan d'Albertas]

Morgan se sentait revenir il y a des années,quand seul , il n'avait que sa haine pour le consoler. Son désir de meurtre devenait de plus en plus pressant, le rendant incapable de jugement cohérent. Toutes ces années il s'était leurré. Il n'avait jamais cessé d'être le monstre avide de sang qu'il avait été autrefois. L'amour n'avait été qu'une belle façade pour masquer cette monstruosité qui refaisait surface. Du sang...il lui fallait du sang et la voix insidieuse qui ne cessait de lui répéter de prendre celui d'Orden se faisait de plus en plus pressante.

Le prêtre ne tint pas compte de ses avertissements et il s'approcha de lui. Morgan lui tendit un regard désespéré et Orden s'effondra à ses pieds, lui offrant sa vie. Le vampire poussa un gémissement des plus lugubres, tentant de repousser la voix qui lui ordonnait de prendre ce sang qui lui était offert. Orden n'était qu'un poids, il le rendait faible et il finirait par le trahir, si ce n'était déjà fait. La voix ne cessait de lui répéter ces choses, tentant de le faire basculer dans le meurtre et durant un instant, elle y arriva. La main de Morgan vint s'abattre sur la joue de son amant, le projetant violemment au sol. La voix dans sa tête se mit à rire et l'encouragea à continuer.
Morgan se saisit du col du prêtre et le souleva de terre avec facilité, plongeant son regard implacable dans le sien. Traitre, lui disait la voix. Menteur! Misérable humain! Tue le et tu seras libre!

Sans même s'en rendre compte, les doigts du vampire s'étaient enroulés autour de la gorge blanche, commençant à serrer.

Une larme roula sur la joue du vampire, glacé d'horreur en voyant ce qu'il était en train de faire. Il était en train de tuer celui qu'il adorait. Il sentait les battements désordonnés du cœur de son amant, sa respiration sifflante. Une pression de plus et il lui sectionnerait la nuque...et tout serait fini. Plus d'amour, plus de projets, plus de bonheur...plus de souffrance, lui souffla insidieusement la voix.

"Orden...bats toi...repousse moi..." prononça t'il avec difficulté. "Je vais te tuer si tu ne m'en empêches pas..."

Son corps ne lui obéissait plus. D'ailleurs, il ne reconnaissait même plus la voix monstrueuse dans sa tête. Ce ne pouvait pas être la sienne. Il ne pouvait pas vouloir tuer Orden. Tout ce qu'il voulait c'était le protéger, pas l'assassiner.

"Orden...je t'en prie...fais sortir cette voix...de ma tête" murmura t'il, rassemblant ses dernières forces mentales pour ne pas resserrer ses doigts autour de la gorge du chasseur.

[Orden Rosenkreutz]

Le premier coup s'abattit sur son visage. Orden tomba à terre pour se faire prendre par le col puis lentement les doigts de son amant se refermèrent sur sa gorge laiteuse. Prit d'horreur le prêtre ne pu que contempler le regarde emplit de folie de Morgan. Les choses allaient se terminer ainsi ? Il allait mourir étouffer, comme cette fois dans l'hôpital. Sauf que ce jour, son amant c'était arrêté à temps. Il doutait que la même chose se produise à présent. Son souffle vint lentement à lui manquer et dans un gestes pour se proteger Orden ne pu que placer ses mains sur celles du vampire dans le but de les écarter. Mais il n'avait pas la force necessaire. Morgan prit la parole. Il voulait qu'il se batte, qu'il l'empêche de le tuer. Comment ? Comment pourrait-il faire une chose pareille. Son regard s'ouvrit douloureusement sur celui du vampire et là, au fond des prunelles claires de celui qu'il chérissait, il vit et reconnu une lueur qui n'était pas la sienne.

Isaac.

Ce regard n'était pas celui de son amour. Cette cruauté, cette avidité de sang et de souffrance. C'était lui. Lui qui l'avait éloigné de son amant et lui qui essayait de les séparer à jamais. Le masque était tombé. Et à présent il voyait clair. Depuis tout ce temps, la dispute, son attitude celle de Morgan. Tout ça avait été contrôlé et influencé par le seigneur de Kiev. Son amant n'était pas un monstre. Il avait changé, il le savait. Sinon pourquoi y aurait-il eu Vincent dans sa vie. Si son amour n'avait pas changé, il se serait contenté de tuer encore et encore jusqu'à sombrer.

Orden commença à réagir mais sans grand succès. Les doigts autour de son cou se resseraient son souffle lui manquait et il sentait son coeur s'affaiblir à mesure que les minutes passaient. Il ne lui restait plus beaucoup de temps. Il devait l'aider, il le devait !
Le prêtre lui lança un regard mêlé de tristesse et de volonté. Il ne désirait pas mourir. Il ne voulait pas que Morgan sombre dans le désespoir. Il ne voulait pas être séparer de lui, jamais. Son amour gonfla dans sa poitrine asphyxiée, et il ne sut comment il trouva la force de lui parler.

" Morgan.....s'il...s'il te plais...arrête.....n'écoute pas cette voix....ce n'est pas....la tienne.....ne l'écoute...pas.....il...il faut que....tu...tu te calme........re...referme ton...esprit....je...je sais que tu en ai capable.....................Morgan....."

Son souffle se tarit définitivement. Ses doigts lentement glissèrent de sa propre gorge pour venir pendre à ses côtés. Son visage vacilla un instant. Le prêtre n'avait plus la force. Le combat avait toujours été inégal entre lui et son amant. Morgan avait toujours eu le dessus, alors comment aujourd'hui l'empêcher de le tuer. Il ne pouvait que prier en espérant qu'il arrive à faire taire la voix d'Isaac. N'aurait-il jamais de cesse de les faire souffrir. Sa vengeance était terrible, et Vincent n'était même pas là pour empêcher ça. Si seulement. Mais peut-être que le jeune vampire l'aurait laissé mourir.

De larmes glissèrent de ses joues. Il ne voulait pas partir, pas comme ça. Déjà il voyait le néant derrière ses paupières à demi closes. Une plainte franchit ses lèvres. Son corps ne lui obéissait plus et pendait lamentablement tel une poupée de chiffon. L'inconscience le gagnait. La fatigue également. Et ses larmes qui ne se tarissaient pas. Dans un dernier effort sa voix s'éleva en un murmure.

" N...n'écoute pas..........Isaac.................."

[Morgan d'Albertas]

Sa prise autour de la gorge d'Orden se raffermissait de secondes en secondes, ses doigts semblant être mus par leur volonté propre. Morgan voyait avec horreur son amant devenir de plus en plus pâle. Il voulait desserrer ses doigts, reposer le prêtre au sol mais sa volonté vacillait sous l'effet de cette voix sortie d'outre-tombe et qui lui murmurait en une litanie sans fin combien ce serait doux d'être enfin libre. Le souffle du chasseur se tarissait et Morgan ne pouvait que le voir agoniser entre ses mains.

La voix d'Orden parvint à son oreille, passant difficilement au dessus de la voix monstrueuse. Il lui disait de ne pas écouter cette voix, de lui fermer son esprit. Mais comment faire pour ne pas écouter quelque chose qui faisait partie de soi? Morgan n'avait pas encore conscience que ce n'était pas lui qui parlait dans son crâne et il s'imaginait redevenir le fou qu'il était autrefois.

Les maigres tentatives de combat d'Orden s'essoufflèrent rapidement et ses mains qu'il avait posé sur les siennes retombèrent mollement le long de son corps. Il allait mourir. Morgan avait envie de lui hurler de se débattre mais c'était trop tard. Le manque d'air avait trop affaibli son amant.

Alors un dernier mot franchit les lèvres du prêtre...Isaac...

Et Morgan comprit. Cette voix, cette emprise sur sa volonté...ce n'était pas lui, ça n'avait jamais été lui. Isaac était proche, dans cette ville sans doute et il avait décidé de passer à l'offensive. Il voulait l'obliger à tuer Orden de ses propres mains. C'était absolument machiavélique car Morgan n'aurait jamais pu s'en remettre.

Son corps fut secoué d'un tremblement et il concentra tout son esprit sur la main qui tenait Orden. Il devait desserrer ses doigts. Lentement...lentement...calmement.

La voix d'Isaac l'abreuvait maintenant de jurons, lui ordonnant de finir ce qu'il avait commencé mais Morgan savait à présent que ce n'était pas lui qui voulait la mort d'Orden mais ce monstre qui tentait de le pousser aux frontières de la folie.

"Sors...sors de ma tête, Isaac" gronda t'il sur un ton menaçant. " Je ne tuerai pas Orden. Tu as toujours été lâche et tu ne me fais pas peur... dégage!!!!" hurla t'il dans un dernier cri de rage et sa main se desserra brusquement. Orden tomba lourdement au sol.
Morgan sentit un poids immense s'ôter de sa poitrine et la voix s'éteint dans un cri de souffrance, repoussé par la volonté du vampire qui l'avait violemment repoussé dans son corps d'origine.

Morgan s'écroula à son tour sur le sol, complètement épuisé. La nausée le saisit. La possession qu'avait eu Isaac sur son corps l'avait affaibli et il mit quelques secondes avant de retrouver ses esprits.

"Orden..." murmura t'il en se tournant vers le corps de son amant. "ORDEN!!!!!" hurla t'il à plein poumon en prenant conscience de ce qu'il avait fait. Il étreignit son amant avec force. Des marques rouges zébraient la peau de son cou et son teint était cireux.

" Pardonne moi! Pardonne moi, mon amour!" criait il, l'enlaçant avec passion et désespoir. "Je croyais devenir fou! Je croyais que le monstre en moi était revenu! Je t'ai dit tellement d'horreurs..."

Tremblant encore sous l'effet de la possession traumatisante d'Isaac, il posa sa tête dans le cou de son amant.

"Pardonne moi...j'ai été faible... et stupide...je t'aime. Je t'aime. Je t'aime..."

[Orden Rosenkreutz]

La lutte appartenait désormais à Morgan. Le prêtre avait fait tout ce qu'il avait pu pour son amant sans vraiment y croire. Il avait peur de Isaac. Peur de ce qu'il était capable de faire juste pour nuir au vampire. Et si ce qu'il faisait aujourd'hui n'était pas suffisant, il s'en prendrait également à Vincent. A présent il flottait au dessus du monde. Les bruits environnants ne lui parvenaient que très peu. Ses poumons étaient vide il se sentait partir. Orden ne le voulait pas, mais il ne pouvait empêcher son esprit de s'éloigner lentement. Un vide immense l'attendait dans l'au delà. Soudain une voix perça le vide. Morgan. Morgan luttait, il l'entendait, il le savait au plus profond de lui-même.

Il rencontra douloureusement le sol. Affaiblit, le prêtre ne respirait plus. Les choses se répercutaient sur son oreilles de manière caverneuse. Il ignorait si son amant avait gagné contre Isaac. L'avait-il lâché car il le croyait mort ? Ou avait-il véritablement réussi à se débarasser de lui ? Orden était trop fatigué pour penser à ça. Son cerveau embué ne réclamait que le sommeil. Alors, il ne sentit pas son amant le prendre dans ses bras. Il ne l'entendit pas scander son nom. Ce silence était effrayant. La vie sans Morgan était effrayante. Et seul dans les ténèbres il réalisait à quel point il avait besoin de lui. Cependant il ne respirait déjà plus, et le fil de sa vie disparaissait lentement.

Les minutes s'égrainèrent, lentes et pénibles. Les nuages recouvrirent la lune et la pluie se mit à tomber. Une goutte, puis deux sur son visage aussi blanc que la mort. Cette sensation. Ce froid, cette eau. Etait-ce la vie qui l'appelait ? L'air s'engouffra soudainement dans ses poumons. La douleur fut telle qu'Orden en ouvrit les yeux, saisit par une effrayante quinte de toux. Son cou le brûlait, l'air qu'appelait ses poumons lui était semblable à l'acide. Il fallut un certain temps au prêtre pour arrêter de tousser. A quelques secondes, il avait échappé à la mort et le retour n'était que souffrance pour son corps.

Fébrilement il vint glisser son bras autour de la nuque du vampire et le serra contre lui. Son souffle lentement lui revint. Orden ferma les yeux et respira longuement le parfum des cheveux de son amant. Il avait faillit mourir et cette pensée le hantait. Il savait maintenant ce qu'il y avait par delà la mort. Il n'y avait rien. Sans Morgan il n'y avait plus rien. Ce qui l'unissait à lui était indescriptible tant c'était fort. Et ça Isaac ne pouvait pas le briser. Aujourd'hui encore ils avaient survécu aux tourments de l'existence. Bien sûr ce qui venait de se passer avait été particulièrement grave, mais il n'avait pas fuit. Il était resté près de son amour. Il l'avait aider. Et rien que ça le rendait heureux.

Un faible sourire naquit sur son visage et des larmes noyèrent ses yeux.

" Morgan....tu n'es...qu'un idiot....te laisser avoir....par un truc aussi....simple.....les siècles ne t'ont-ils rien enseigné...? " Murmura t-il faiblement.

Le prêtre essayait de faire de l'humour pour détendre l'atmosphère pesante. Orden toussa légèrement et se serra davantage contre le vampire. La pluie s'arrêta et il pu revoir la lune. Il sentait que le moment serait bientôt venu pour lui de le rejoindre dans l'immortalité. Ils ne pouvaient plus se permettre qu'un tel évènement se reproduise. Son amant avait assez souffert. Mais le moment n'était pas à ça. Le prêtre ne le voulait pas. Il souhaitait simplement profiter de cette étreinte qu'il partageait avec le vampire. C'était si doux. C'était comme si une éternité c'était écoulée depuis qu'il avait fermé les yeux, aux portes de la mort. Orden gémit quelque peu en tournant la tête. Il ne doutait pas que son cou devait être rouge.

" J'ai...vraiment failli y passer cette fois. Morgan....derrière...il n'y a rien....en tout cas, sans toi il n'y a rien. Je t'aime. Je veux passer l'éternité avec toi. Toujours. Avec Vincent aussi, même si il ne m'apprécie pas plus que ça.....j'ai eu peur Morgan...peur de mourir.....serre moi....je t'en pris...je veux te sentir....je veux sentir que ce n'est pas un rêve, et que je suis vraiment là avec toi.......j'ai eu si mal en voyant ce dégoût et cette colère dans ton regard. "

Orden se mit à pleurer. La tension accumulée se relâchait. C'était fini. Le mal était parti. Il n'était que tous les deux. Rien que tous les deux......

[Morgan d'Albertas]

La respiration d'Orden n'était plus qu'un souffle et Morgan craint un instant que Isaac avait gagné. L'idée d'avoir tué son amant remplit Morgan d'une souffrance si intense qu'il espéra mourir sur le champs. L'existence sans Orden ne valait pas la peine d'être vécue.
Mais il n'eut pas à aller jusqu'à ces extrémités. en effet, une pluie froide et fine se mit à tomber et soudain, Orden ouvrir les yeux, une expression douloureuse dans le regard, avant qu'une affreuse quinte de toux remette en marche ses poumons.
Morgan s'accrocha à lui avec toute la force que lui prodiguait le soulagement. Il ne l'avait pas tué. Une fois de plus ils avaient surmonté une épreuve.
Le prêtre enroula son bras autour de son cou et vint se blottir contre lui. Morgan sourit et vint déposer un baiser tendre dans ses cheveux, berçant sans le vouloir le corps de son amant.

Un petit rire répondit aux paroles d'Orden.

" Il faut croire que non. Tu m'aimes toujours même si je suis un imbécile?"

Il déposa un baiser sur le front du prêtre et redevint soudain sérieux.

" Oublie tout ce que j'ai pu dire. Ce n'était pas moi. Comment ai je pu croire que c'était moi? J'avais l'impression de devenir fou. C'était comme si j'étais de nouveau celui que j'étais avant toi. J'avais cette même soif de sang, de cris..."

Il ferma les yeux, en proie à des souvenirs douloureux et particulièrement abjects. Il avait eu l'impression de replonger dans le cauchemar qu'était son existence avant Orden et son amour qui lui avait redonné la vie. Combien de vie avait il prise par pur plaisir? Par besoin de faire souffrir pour oublier la stérilité de son éternité? Mais c'était fini. Jamais plus il ne serait comme ça.

La voix d'Orden retentit à nouveau. Il lui disait qu'il n'y avait rien après la mort. Morgan s'en doutait bien. Dieu et son paradis n'existait pas. Il n'y avait que le néant et il avait failli y précipiter la personne qu'il chérissait le plus au monde. Orden se mit à pleurer et Morgan ne put le supporter. Il était toujours désemparé face aux larmes qu'il ne savait pas consoler. Il le serra fort contre lui, oubliant la pluie qui tombait sur eux. Ses lèvres parcoururent son front, son nez, ses lèvres, son menton, avant de se perdre dans le cou abimé.

"Ton pauvre cou...Je ne suis qu'une brute" lui dit il en déposant de légers baiser sur les marques que ses doigts avaient fait à la chair blanche. " Jamais je n'éprouverai de dégout pour toi. Tu es l'homme que j'aime le plus au monde. Quoi que tu fasses, tu es mon âme sœur et même si parfois je m'emporte, ça ne remet pas en cause ce que j'éprouve pour toi."

Il captura ses lèvres entre les siennes, lui donnant le baiser le plus tendre qui soit possible.

" J'ai sous estimé Isaac. Il me connait vraiment très bien et sait ce qui peut me faire souffrir. Il va falloir être vigilant d'autant plus que j'ai senti que sa présence était toute proche."

Il eut un frisson de dégout.
"Cette ordure m'a possédé. J'en ai envie de vomir."

[Orden Rosenkreutz]

" Bien sûr que je t'aime, même si tu es un imbécile......"

Orden était soulagé, le cauchemar venait de s'achever. Là blottit dans les bras de son amant il se sentait terriblement bien, même si son cou le faisait encore souffrir. Le prêtre ferma un instant les yeux et se souvint du Morgan dont il parlait. Celui qui avait massacré sa famille, et des centaines d'autres personnes au cour des siècles. Cependant il savait que jamais il n'avait agit par réelle cruauté, mais par désespoir de ne pouvoir acceder lui même au bonheur. La tristesse de cette période de sa vie lui revint en tête, et il ne pu retenir les larmes qui dévalèrent son visage. Son amour le serra davantage contre lui et Orden vint blottir son visage contre son torse, accueillant dans un soupir ses lèvres sur son front, son nez, puis ses lèvres. Il gémit lorsqu'elles rencontrèrent sa peau marquée. La pression de ses doigts avaient été comme des brûlures.

Le prêtre lui rendit un doux sourire alors qu'il lui affirmait qu'il ne le dégoûtait pas, qu'il était son âme soeur. Son coeur se serra dans sa poitrine et le baiser qui s'en suivit le gonfla d'un amour sans borne. Il ne pu cependant empêcher l'eau de s'écouler de ses yeux. Encore une fois. Tout tremblant, il vint caresser ses cheveux sombres, puis d'un doigts il retraça le contour de sa joue.

" Morgan.....je....j'ai vraiment cru que tout était terminé entre nous. J'ai vraiment cru que tu ne voulais plus de moi, que je n'étais qu'un poids pour toi. Je suis désolé de t'avoir dit tout ça au manoir. Je ne sais pas ce qui m'a prit. J'ai ressenti une vive colère envers moi-même, et je l'ai repporté sur toi......je suis désolé. Je suis sincèrement désolé....."

Orden ne comprenait pas ce qui lui était arrivé. Il se demandait si Isaac en était la cause, ou si c'était bien lui qui avait parlé de la sorte à son amant. Cette idée le fit frissonner de dégoût. Car si tel était le cas, Isaac avait réussi à le transformer en ce qu'il ne voulait pas être. Son regard croisa celui du vampire, puis il le baissa rapidement. Même si il savait que Morgan ne le pensait pas, entendre de telles paroles de sa voix l'avait ébranlé. Il avait du mal à chasser la peur qui l'avait tenaillée.

" J'ai vraiment peur de lui......je n'ai pas envie qu'il te fasse du mal, je ne veux pas que ça recommence. Il va peut-être s'en prendre à Vincent. Ou a moi encore une fois.....Le...le fait que je sois mortel est d'autant plus amusant pour lui car il sait qu'il peut te faire du mal à travers moi. Morgan, je n'ai pas envie que ça se reproduise, j'ai si peur....si peur....."

Le prêtre n'osa lui dire que dans son regard il avai cru revivre ces deux années d'enfer. Il ignorait dans quel état il serait si un jour il se retrouvait en face du seigneur de Kiev, mais il était convaincu qu'il n'en mènerait pas large. Lui aussi sentait qu'il n'était pas loin. Il avait entendu sa voix avant que Morgan n'entre dans le salon. C'était lui qui l'avait poussé à tuer. Il avait seulement voulu faire taire sa voix. Il jeta un regard sur le cadavre de la jeune fille puis se détourna. Sa mains fragiles vint caresser celle de son amant. Orden était en proie à un millier de questions. Devait-il devenir un vampire aujourd'hui. Serait-il plus sage d'attendre encore un peu. Tout s'embrouillait. Et lui sentait que sa force vacillait. Le mûr de froideur qu'il bâtissait parfois pour se proteger venait de s'écrouler. Il se sentait comme un gamin en proie aux pires cauchemars. Mais heureusement il y avait Morgan. Il était là, il le serrait dans ses bras. Il imaginait très bien ce que le vampire avait du ressentir. Lui-même savait d'expérience les dégâts que provoquait la possession.

" Est-ce....est-ce que tu m'en veux d'éprouver de la compassion pour celle que j'ai tué.....? Morgan...je me sens si perdu....j'ai cru que j'allais te perdre pour toujours......Je...je ne l'aurais pas supporté....je t'aime tellement tu sais......"

[Morgan d'Albertas]

Morgan éclata de rire. Mais ce n'était pas un de ces rires malsains qu'il avait pu avoir autrefois; c'était un rire clair et franc. Isaac n'avait pas pu les détruire et leur amour était une fois de plus vainqueur. Le vampire ne craignait plus rien à cet instant et il vint sécher les larmes de son amant du bout des doigts.

" J'ai déjà tout oublié, mon ange."

Puis il l'embrassa à nouveau, lentement, amoureusement. Les lèvres d'Orden étaient son paradis. Le bonheur était concentré entre ses deux petits bouts chair roses et tendres.
Il sentait encore que la détresse du prêtre n'était pas encore parti et quand ce dernier parla d'Isaac, Morgan tressaillit en sentant la peur dans sa voix. Orden était brave. Pour qu'il ait peur de cette manière c'était que ce qu'il avait enduré pendant ces deux ans était encore plus grave que ce qu'il avait raconté.

Morgan ne répondit pas tout de suite à ses mots et se contenta de soulever son amant. Il repéra un caveau dont la porte était ouverte et il pénétra à l'intérieur. La pénombre laissait entrevoir un petit autel surmonté d'une croix et le petit vitrail laissait entrer une lumière blafarde et tenue.
Le vampire s'assit dos au mur et installa Orden entre ses jambes, son dos contre son torse. Il enroula ses bras autour de sa taille et posa succinctement ses lèvres dans le cou supplicié. Il y laissa errer sa langue en une douce caresse.

"C'est un peu lugubre mais c'est quand même mieux que sous la pluie..." lui souffla t'il, ponctuant s phrase de petits baisers sur la peau marquée.

" En ce qui concerne Isaac, je vais m'en occuper sérieusement. Il est trop dangereux. Je sais que tu as peur pour moi mais si je ne l'affronte pas il nous tourmentera éternellement. Vois ce qu'il t'a fait! Il ne reculera devant rien pour m'avoir et je ne me pardonnerai jamais s'il devait t'arriver malheur ainsi qu'à Vincent."

En pensant à son compagnon, il se souvint brusquement de la manière dont il l'avait laissé.

"Vincent...il doit être dans tous ses états. Lui non plus n'a pas du comprendre ce qui m'arrivait et je l'ai quitté sans une explication à cause de la folie passagère..."

Il poussa un profond soupir.
"Lui aussi je dois le protéger. Il est jeune et inexpérimenté. Sans parler de son caractère emporté...j'espère que vous arriverez à vous entendre. Il est très jaloux en ce qui me concerne...mais il est intelligent et il t'acceptera avec le temps. Je suis même sûr que vous pourriez très bien vous entendre." dit il, de la tendresse dans la voix en évoquant le caractère ombrageux et adorable du jeune vampire.

Il posa un baiser dans les cheveux mouillés du prêtre et le serra davantage contre lui.

" Quand la pluie aura cessé nous rentrerons au manoir."

Ses mains caressaient doucement la peau du ventre du chasseur par dessous son haut. Le vampire ferma les yeux.

" Pour la fille, je ne t'en veux pas, bien entendu. Tu ne voulais pas la tuer, je le sais bien. Mais ne regarde pas en arrière. Ce qui est fait est fait et je ne veux pas que tu éprouves de remords pour des choses dont tu n'es pas responsable... je sais que ça va être difficile mais il va falloir que tu réapprennes à manger normalement."

[Orden Rosenkreutz]

Un autre baiser, et le silence se fit dans le cimetière. Orden contemplait le visage de son amant, et celui-ci le berçait presque comme un enfant dans l'espoir de le calmer. Il était bien même si la pluie tombait. Encore ses lèvres. C'était d'une douceur infinie. Tout en Morgan était son paradis, son seul souffle de vie. Il dépendait du vampire, car sans lui il n'était rien. Autrefois son amant avait fait en sorte que sa vie de mortelle se bâtisse autour de lui, et à présent le prêtre souhaitait faire de même avec son existence immortelle. Morgan, et rien que lui. Partager encore et encore ses baisers, ses étreintes, sa douleur même. Jusqu'à ce que le monde n'existe plus. Rester toujours avec lui.

Son amant le souleva alors. Orden s'aggripa à son vêtement et se laissa entrainer, reposa sa tête contre son épaule. Ils pénètrèrent tous deux dans un caveau, l'endroit était relativement sombre mais sec. A présent entre les jambes du vampire, le prêtre se calla confortablement contre son torse et renversa la tête en arrière le laissant, non sans laisser échapper un gémissement, glisser sa langue sur sa gorge meurtie. Il répondit par un sourire à la reflexion de son amant sur l'ambiance du lieu. Lui ça ne lui déplaisait pas plus que ça. Depuis qu'il était enfant il avait l'habitude des cimetières et de cette ambiance calme. Le silence des morts était agréable parfois. Des confidents idéals, car ils ne risquaient jamais de parler.

Une pointe de douleur lui perça le coeur lorsque Morgan se mit à parler d'Isaac. Même si il voulait le rassurer, le prêtre n'en éprouvait pas moins une vive inquiétude. Ce vampire était un monstre de folie. Il était d'un machiavélisme sans bornes. Et puis il ne pouvait oublier ce qu'il lui avait fait subir. Les abus de toutes sortes. Les victimes qu'il lui apportait, et d'innombrables autres horreurs. Alors entendre parler son amant de lui ne le rassurait pas du tout. Orden se mit légèrement à trembler alors qu'il écoutait, et finalement aprouvait. Ils n'avaient pas le choix, il fallait se débarasser de lui ou il les pourchasseraient jusqu'à ce que l'irréparable soit commit.

Vincent....

Lui aussi risquait beaucoup. Il le savait. Orden ressentit une pointe de tristesse pour lui qui n'aurait sans doute jamais la faveur des sentiments de Morgan. Mais aussi pour autre chose. Il ne tarda pas à en faire part à son amant.

" Je crois que Vincent ne me pardonnera pas cette fois. Je suis responsable de ce qu'il t'ai arrivé aujourd'hui. Il m'a bien fait comprendre que ça ne serait pas une guerre ouverte entre nous, mais qu'il n'hésiterait pas si je te faisais du mal. Je n'ai pas du tout envie de me battre avec lui. C'est quelqu'un qui ferait n'importe quoi pour toi et je comprends qu'il soit amer à cause des sentiments que nous partageons. J'espère que nous arriverons à nous entendre un jour, mais la décision n'appartient qu'à lui."

Orden ne se faisait pas beaucoup d'illusions. Vincent lui en voudrait un moment à cause de ce qui venait de se passer passer aujorud'hui. Il aurait du mal à gagner sa confiance, et puis il lui en voulait déjà pour être l'amant de Morgan. Cette situation lui semblait si absurde parfois. Mais rien ne le ferait reculer, pas même l'amertume de Vincent. Il aimait le vampire et ça ne changerait jamais. Cependant il ne cherchera pas à l'éloigner. Le brun était libre de penser ce qu'il voulait, de faire ce qu'il voulait avec Morgan. Même si parfois il en ressentait une certaine tristesse.

Un baiser dans ses cheveux humides. Le prêtre glissa ses mains sur celles du vampire. Ses caresses étaient agréables, elles le rassuraient. Un instant il oublia ce qui lui avait été fait. Le tragique évènement qui avait perturbé leur journée. Il toucha délicatement la peau soyeuse des mains de son amant, les guidant sur son torse pales. Oublier, juste un instant.

Cependant, les mots du vampire tranchèrent net son instant de bonheur. Ouvrant les yeux, il fixa le mur du caveau. Manger comme avant ? En serait-il capable ? Non, la question n'était pas là. Elle n'était plus là. Orden soupira légèrement. Penchant la tête il embrassa la pointe de la machoire du vampire avant de prendre calmement la parole.

" Même si tu ne le pensais pas. Tout à l'heure tu m'as dit que je me dérobais sans cesse lorsque nous parlions d'éternité. Je ne peux le nier. L'idée de ne jamais mourir me faisait peur, de ne plus sentir mon coeur battre. J'avais peur de changer, de perdre mon humanité et de devenir quelqu'un que tu détesterais. A présent je sais que je ne pourrais vivre sans toi. Je sais qu'il ne m'arrivera rien parce que je suis avec toi. Même avec tout ce que j'ai vécu durant ces deux ans, au fond de moi, je suis resté le même. Je veux te rejoindre Morgan. Je ne veux plus revenir à ce qui me reste d'humain. Quand tu le voudras, je te rejoindrai. Je crois que, tu es le seul à pouvoir décider de quand je deviendrai un vampire. Je n'ai plus peur. La mort est trop sombre, et je ne veux pas la rejoindre. Je te veux juste toi. L'éternité en ta compagnie. "

Orden se blottit contre le vampire et ferma les yeux. La nuit était si calme. Il ne c'était jamais senti aussi bien depuis longtemps. C'était un instant de calme comme il aurait voulu en connaître plus souvent. Alors il en profitait. Sa respiration était calme, son coeur battait doucement. Les mains de Morgan sur son torse le faisaient frissonner. Ses doigts se lièrent à ceux du vampire. Il guida ses mains jusqu'à son coeur et les immobilisa là.

" Je t'aime, j'ai l'impression que ça fait une éternité que nous avions partagé un moment de calme. J'espère qu'un jour nous pourrons vivre en paix....toi, Vincent....et moi.....l'éternité.....ensemble.....

[Morgan d'Albertas]

Morgan se sentait bien..tellement bien à cet instant. Isaac avait été renvoyé d'où il venait pour le moment et aux vues du cri de douleur qu'il avait poussé quand Morgan l'avait renvoyé dans son corps, ils seraient tranquilles pour quelques temps. Il allait devoir prendre les devants et trouver un moyen de provoquer le vampire de Kiev pour le pousser dans ses retranchements...mais pour l'instant il allait profiter de ce moment de paix avec Orden. Il y en avait si peu...leur historie était jalonnée de larmes et de douleurs et bien des amants n'auraient pas supporté et se seraient quitté. Mais malgré toutes ces difficultés ils étaient tous les deux dans les bras l'un de l'autre, plus amoureux même qu'au premier jour.
Il laissait Orden guider sa main sur son torse. Morgan sentait parfois des cicatrices sous ses doigts et comme à chaque fois, un sentiment de culpabilité le submergea et il embrassa fiévreusement la nuque de son amant. L'instant était parfait et il ne voulait pas le gâcher avec des pensées tristes.
Dans ce caveau sombre et étroit, il avait l'impression qu'ils étaient seuls au monde. Il n'y avait plus que leurs sentiments et le bruit de la pluie sur le toit du tombeau.

Quand Orden parla de Vincent, Morgan sourit et déposa un baiser dans ses cheveux.

" Je sais qu'il est parfois un peu...exalté mais ne t'inquiète pas. S'il ne t'a pas déjà éventré c'est qu'il ne le fera pas. Il est encore méfiant à ton égard parce que j'ai beaucoup souffert pendant ton absence et qu'il espérait avoir mon exclusivité...bon, il va sûrement te faire la tête pendant un certain temps parce qu'il est têtu comme une mule mais quand il te connaitra mieux, il t'appréciera, j'en suis sûr. J'espère d'ailleurs, ne pas avoir à être jaloux à mon tour" finit il sur un ton taquin avant de revenir poser ses lèvres dans la nuque du prêtre qui se mit à lui parler d'éternité. Morgan comprenait la peur qu'il pouvait avoir à quitter sa mortalité. Il n'était pas sûr d'aimer la créature qu'il deviendrait mais Morgan était confiant. Il l'aiderait.
Le vampire sourit en se disant que lui qui avait si peu transformé d'humains dans son existence, il aurait bientôt deux compagnons à ses côtés. Il savait que la tradition était de n'en avoir qu'un mais il n'en n'avait toujours fait qu'à sa tête.

" Je vais m'occuper d'Isaac, mon amour, puis je te ferai mien pour l'éternité. Ce sera sous la lune,comme tu me l'avais demandé autrefois..."

Il serra un peu plus le corps chaud de son amant contre lui, caressant lentement la peau douce sous ses doigts.

" Mmmm...j'aime l'odeur de la pluie dans tes cheveux. Si je n'étais pas aussi exténué, je serais déjà en toi." lui dit il sur un ton joueur avant de déposer un petit baiser dans son cou.

Il se saisit d'une mèche de cheveux du prêtre et la fit jouer entre ses doigts.

"Mon amour, jusqu'à ce que cette histoire soit réglée, je veux que tu restes au manoir. Je ne vais pas pouvoir rester avec toi tout le temps à cause mes obligations alors je ne veux avoir à m'inquiéter. Je sais que tu sais te défendre mais il est trop fort pour toi. Vincent veillera sur toi. Malgré tout ce qu'il raconte, il t'a déjà soigné et a t'a veillé quand tu étais inconscient. De plus, je n'ai confiance qu'en lui. Il faudra que tu te méfies de certains au manoir. J'ai entendu des bruits de couloir qui disaient que certains n'étaient pas contents que je t'ai choisi comme favori. Méfie toi de tout le monde, sauf de Vincent. Il dit tout ce qu'il pense et ne te fera jamais un mauvais coup par derrière."

Oui, malgré les coups de sang et le mauvais caractère de son compagnon, Morgan avait une confiance absolue en lui. S'il lui demandait de veiller sur Orden, il le ferait sans faillir.

Il caressa du bout de la langue les blessures du cou de son amant avant d'en grignoter doucement la peau à petits coups de dents.

"Je t'aime...promet moi d'être prudent."

[Orden Rosenkreutz]

Orden ferma les yeux, puis se concentra sur le bruit de la pluie. C'était comme si le monde autour d'eux n'existait pas. Il n'y avait personne sur cette terre, personne à part deux êtres qui se chérissait plus que tout au monde. Cette impression de solitude était rassurante. Il n'y avait pas de mal, pas de douleur, pas d'ennemis, ni de jalousie. Le prêtre écoutait son coeur battre contre la poitrine du vampire. Il frissonnait en sentant son souffle s'abattre sur sa nuque. Cet instant était parfait. Le diable même serait venu lui proposer toutes les merveilles du monde qu'il l'aurait refusé. Être dans les bras de Morgan était un moment bien trop important pour lui. C'était comme si il se retrouvait après des mois d'absences. Ils avaient pourtant été proches ces dernières semaines, mais trop d'évènements étaient venus troubler leur vie. Sa tentative de suicide, Isaac, le malaise de Morgan. Alors il en profitait tant qu'il le pouvait, car instinctivement il sentait qu'il aurait du mal à le voir dans les temps à venir.

Le prêtre répondit par un doux rire aux paroles de son amant. Vincent était plus qu'exalté. Il était impulsif, buté, et même parfois gamin. Mais Orden l'aimait bien comme ça. Ce n'était pas un mauvais bougre, il le savait bien. Et puis Morgan ne l'avait sûrement pas choisi par hasard. Surtout lui, passé maître dans l'art de la manipulation du quotidien humain. Enfin surtout du sien avant qu'ils ne deviennent amants. L'ancien chasseur repensa avec une certaine nostalgie au passé. Puis il tiqua sur la dernière phrase du vampire. Tourna légèrement la tête, l'un de ses sourcils clair se retrouva arqué alors que l'autre garda sa place. Orden vint embrasser la machoire puis les lèvres de son amant.

" Mais qu'est ce que tu vas imaginer là ? Quoique je ne trouve pas l'idée déplaisante. Je suis sûr que Vincent approuverai. "

Le prêtre taquinait son amant. Il aimait bien, parce que aucun danger ne pesait sur eux pour l'instant. Ca n'allait pas être toujours le cas, alors il profitait temps qu'il le pouvait. Une fois encore le sujet revint sur Isaac. Orden écouta sans rien dire mais sourit lorsque Morgan lui dit qu'il le transformait sous la lune. Alors il n'avait pas oublié sa promesse. Cette simple promesse le gonfla d'amour et de courage pour ce qui allait suivre. Il serait fort pour Morgan. en aucun cas il ne souhaitait le décevoir. Et il lutterait autant qu'il le pourrait contre l'emprise qu'avait Isaac sur lui. Il ne fallait pas qu'une journée comme celle d'aujourd'hui se reproduise.

La prise de son amant se raffermit sur son corps. Il frissonna du baiser dans ses cheveux humides, et se colla davantage à Morgan. Il sourit à ses paroles, et vint lui caresser le visage d'une main.

" J'espère ne pas te vexer en disant celà mais, je ne crois pas être assez en forme non plus pour ces jeux là. D'autant que nos derniers ébats ont faillit te coûter ta santé. Je ne veux pas que ça se reproduise. J'ai été terriblement inquiet, et Vincent aussi. "

Orden repensa à ce moment ou Morgan avait perdu connaissance, ou à jamais il avait failli glisser vers les limbes de l'immortalité. Si c'était arrivé, il ne s'en serait jamais remit. Mais heureusement il était là, tout contre lui, et ce grâce à Vincent. Derrière ses paupières il revoyait sa plaie béante et les griffures sur ses bras. Le brun était quelqu'un de gentil. Il le savait. Et le prêtre espérait sincèrement que leur relation devienne plus cordiale. En attendant il leva la tête et déposa des petits bisous sous le menton de son amant. Et puis Morgan reprit la parole. Orden l'écouta attentivement et une lueur de tristesse glissa dans son regard. Oui il s'en doutait qu'il ne devait pas être apprecier plus que ça dans le manoir. Il hocha la tête lorsqu'il dit de ne faire confiance qu'à Vincent. Malgré leur relation un peu tendue parfois, il s'en remettrait entièrement au jeune vampire.

Gémissant sous les dents de son compagnon, il tourna de nouveau la tête et vint l'embrasser tendrement, avant de se reculer à regret. Il lui semblait que trop de temps c'était écoulé depuis qu'il les avait goûté.

" Je te le promets mon amour. Mais....j'ai une question, est ce que les autres vampires du manoir savent que je suis humain ? Parce que dans ce cas je crois que Vincent aura d'autant plus de boulot. Et si tes rivaux l'ignorent il va falloir faire en sorte de faire durer la supercherie. Déjà que tu prends deux compagnons au lieu d'un seul, il ne vaudrait mieux pas leur donner un motif supplémentaire pour attiser leur colère. "

Orden savait qu'il devrait être prudent. Et qu'il devrait très certainement jouer son rôle à la perfection pour ne pas se trahir. Mais bien vite il chassa ces idées un peu sombres de son esprit. Il voulait simplement profiter de son amant. Et finalement il en vint à se dire qu'ils devraient bien vite retourner au manoir pour soulager Vincent qui devait être dans tout ses états. Le prêtre se retourna complètement et saisit avidement les lèvres du vampire qu'il tortura légèrement avant de goûter à son cou. Cependant il n'alla pas plus loin car il ne voulait pas exciter Morgan au point qu'il se lie à lui en oubliant sa propre santé. Il vint reposer son visage sur son torse, et ses doigts le caressèrent sous le tissu.

La pluie tombait encore. C'était si calme.

" Je crois que nous devrions pas trop tarder à rentrer, je n'ai pas envie que Vincent s'inquiète. Et surtout j'aimerais qu'on lui explique que ce qui s'est passé est la faute de Isaac. Il serait dommage qu'il se fasse de mauvaise idée. Il est un peu tête de mûle mais je l'aime bien. "

[Morgan d'Albertas]

Cela faisait longtemps que Morgan n'avait pas gouté un tel moment de bonheur. Seuls au monde, ils étaient enfin réunis dans un instant de paix, loin de tous leurs tourments. Bien sûr ceux ci ne s'étaient pas envolés définitivement mais ils leur laissaient un moment de répit qu'ils goutaient tous les deux avec joie.
Le corps d'Orden pressé contre le sien, ses mains sur son visage, sa peau sous ses doigts...tout était doux et chaud. Et il y avait ces doux battements de cœur, si tranquilles, si vivants...cela lui manquerait un peu quand Orden le rejoindrait dans l'immortalité. Il aimait sentir ce cœur battre et l'entendre s'affoler quand ils faisaient l'amour.
Le vampire sourit aux propos du prêtre. Oui, leurs derniers ébats avaient été sportifs et il en était presque mort d'épuisement. Si Orden n'avait pas appelé Vincent pour qu'il lui donne un peu de sang, il se serait sûrement laissé aller à la douce torpeur qui l'avait entrainé vers le repos éternel. Ils attendraient un peu avant de se jeter l'un sur l'autre...et puis avec un peu d'attente, ça ne serait que meilleur.

Il fut satisfait quand Orden ne répliqua rien au fait qu'il devrait faire confiance à Vincent et le laisser garder un œil sur lui. Son jeune vampire de compagnon et le prêtre finirait bien par s'apprécier, il en était sûr.

"Tu sais, les bruits courent vite au manoir. Depuis que tu es arrivé, tout le monde parle de toi...et j'ai entendu certaines rumeurs selon quoi certains ne voyaient ta présence que d'un mauvais œil. Ils savent que tu es humain et ne comprennent pas pourquoi je te gardes à mes côtés. Je tolère cette bande d'hypocrites parce que j'ai besoin d'eux pour assoir mon autorité sur cette ville mais si je pouvais m'en passer je ne garderais que Vincent. C'est le seul qui ne me lèche pas les bottes pour le seul plaisir d'obtenir quelques avantages. Bientôt, tu seras un vampire toi même et il n'auront plus rien à dire. Pour l'instant, ils savent que tu es mon amant et que s'ils te touchent ils risquent la mort...mais je préfère m'assurer que tu es en sécurité. Si l'un d'eux te cherche querelle, ne le crains pas et montre lui tes talents de chasseurs...je suis sûr que tu n'as pas perdu la main..." finit il dans un petit sourire de connivence.

"Tu te battais tellement bien autrefois. Quand je t'observais t'entrainer j'étais si fier de toi...j'avais envie de sortir de ma cachette et de te sauter dessus pour enfin que nous nous mesurions l'un à l'autre. Ce que j'éprouvais étais confus pourtant...je voulais un duel mais je te désirais également. Plus tu devenais un homme, moins j'avais envie de rester dans l'ombre. Je te voulais tellement..." lui soufflait il en lui caressant tendrement le lobe de l'oreille du bout des lèvres. Morgan ne parlait pas souvent de ce qu'il avait fait endurer à Orden avant qu'ils ne se découvrent des sentiments l'un envers l'autre. Il avait peur de raviver de mauvais souvenirs dans l'esprit du prêtre mais en ce moment, il se sentait tellement bien qu'il pouvait parler de n'importe quel sujet sans rien craindre.

"Je me suis toujours demandé pourquoi tu ne m'en avais pas voulu pour tout ça... en y regardant bien, je n'étais pas moins cruel qu'Isaac. Toutes ces souffrances...tu méritais mieux" Sa voix ne fut qu'un murmure et il embrassa doucement la nuque du chasseur.

"Je serais devenu tout à fait comme lui si je ne t'avais pas rencontré. Merci, mon amour, de m'avoir ouvert les yeux."

Morgan gardait toujours ce sentiment de culpabilité envers Orden. Il l'avait façonné pour qu'il devienne ce qu'il était à grands coups de souffrances et de tourments. La vie du prêtre aurait été différente, meilleure sans doute.

" Nous devrions rentrer...tu es fatigué et Vincent doit mettre le manoir sans dessus dessous. Je vais te border dans ton lit et j'irais réunir le conseil...tu ne m'en veux pas si pour l'instant, je préfère que tu n'y assistes pas. Je fais ça pour ménager la susceptibilité de chacun."

[Orden Rosenkreutz]

Orden soupira lorsque Morgan se mit à parler des rumeurs au manoir. Il n'avait pas réalisé à quel point la vie de son amant pouvait être compliquée aujourd'hui. Il devait gérer une ville entière, s'occuper des rivaux voisins et de ses propres "alliés" qui le poignarderait volontier dans le dos si ils n'avaient pas autant peur de lui. Il se souvint avec nostalgie du temps ou tout leur était permis. Du temps ou ils pouvaient s'enfuir tous les deux où bon leur semblait sans que personne ne se soucie d'eux. Aujourd'hui c'était bien différent. Un doux sourire se dessina sur son visage alors qu'il lui parlait de Vincent. Bien sûr qu'il était digne de confiance, il le savait. Morgan ne choisissait jamais ses compagnons au hasard.

Un leger rire.

Malheureusement Orden avait perdu la main. Deux ans qu'il ne s'entrainait plus. Il c'était amaigrit, mais pas vraiment affaiblit. Avec les ans il avait acquit plus de vitesse et d'assurance en combat, sa manière de faire était très semblable aux vampires, mais il savait que dans un réel affrontement il ne ferait pas le poids pour l'instant. Les tortures avaient épuisés son corps au delà de l'imaginable. Il fallait qu'il se refasse une santé avant d'essayer quoique ce soit. Il se glissa plus confortablement dans les bras de son amant en l'écoutant parler du passé. Il sourit à ses propos. Il sentait tout l'amour que le vampire avait pour lui. Et c'était réciproque. Il redeviendrait ce chasseur qu'il désirait tant, le prêtre se le jura.

" Pour ce qui est de l'entraînement j'ai l'intention de le reprendre dès que je serai rétabli. Je n'ai pas envie de m'empâter dans ce manoir et dépendre entièrement de Vincent. J'ai malheureusement beaucoup perdu avec ces deux ans. Je me souviens, je te sentais parfois dans mon dos. Mais étrangement je ne faisais rien alors que j'aurais pu. C'est étrange, j'ai l'impression qu'une éternité s'est écoulée depuis ce temps...."

Le prêtre frissonna en sentant les lèvres du vampire sur son lobe. Il trouvait ça étrange que son amant lui reparle du passé. Se sentirait-il encore coupable de ce qu'il lui avait fait. Et la suite de ses paroles le confortèrent dans son idée. Orden soupira et se retourna pour fixer le vampire. Un doux sourire orna ses lèvres et il vint les poser sur le front de son amour.

" Je ne pourrais pas te dire pourquoi je ne t'en ai pas voulu. Au début c'était le cas, je te haïssais et c'était ce qui me faisait tenir. La simple idée de t'affronter me motivait et je mettais plus de coeur à l'ouvrage. Mais....lorsque nous nous sommes vu dans cet hôpital je n'ai pas pu. J'ai soudain comprit qui se trouvait derrière ce masque de froideur. J'ai fini par deviner ce qe tu voulais cacher à tout le monde. Ton désespoir de ne pas avoir droit au bonheur. J'ai compris pourquoi tu ne m'avais pas tué cette nuit dans ma maison. Tu aurais pu, mais tu ne l'a pas fait. Quelque chose s'est tissé entre nous et à notre insu. Je ne le regrette pas Morgan. Cesse de t'en vouloir pour les souffrances passées. Tu n'es pas comme Isaac. Et je ne t'aurais jamais laissé l'occasion de devenir comme lui. Ne dis pas que je méritais mieux. Je suis très heureux avec toi, même si parfois ce n'est pas toujours facile. Tout ce que je veux c'est être à tes côtés. Rien de plus. "

Il l'embrassa tendrement, puis lui offrit une moue boudeuse et à la fois pleine de repproche. Mais on sentait bien que le prêtre n'est pas sérieux. Se reculant très légèrement il croisa les bras et fixa son amant.

" Morgan arrête, je t'entends penser d'ici. Ma vie aurait été bien fade si tu n'avais pas été là. Je n'aurais pas fait les rencontre que j'ai fait. Et j'aurais très certainement été un humain insignifiant et sans intérêt qu'un autre vampire se serait employé à égorger pour son plaisir. Tu ne m'a pas façonné, mais tu m'as fait involontairement comprendre qui tu étais. Cette souffrance je ne la regrette pas. Car je t'ai toi. "

Le prêtre vint se blottir définitivement dans les bras du vampire. Il était si bien. Il en profitait autant qu'il le pouvait car il ne savait quand ils pourraient partager de nouveau une étreinte. Il lui dit alors qu'ils devraient rentrer et Orden acquieça. Vincent devait être terriblement inquiet. Fermant les yeux il appuya sa tête contre l'épaule du vampire. Il comprenait parfaitement. Avec Isaac dans les parages, maintenir son pouvoir ne serait pas chose aisée.

" Je comprends parfaitement Morgan, je ne suis pas un enfant, même si j'ai quelques siècles de moins que toi. Quand je serais devenu vampire les choses iront mieux. Je pourrais t'aider en plus de Vincent à gérer ce troupeau de vautours. Amour......j'ai froid....j'aimerais rentrer et me reposer.....je t'aime. Et chaque épreuve que nous vivons me donne la conviction que jamais je ne pourrais me séparer de toi. Jamais. Rentrons...S'il te plais..."

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