Chambre de Vincent (pv Orden) FINI

[Vincent Lonenlill]

après la tempête



Vincent était allé tout droit dans sa chambre après avoir quitté Orden et Morgan. Il s'était étalé sur son lit et fixait à présent le plafond d'un regard absent. Il avait mal au cœur, comme si celui ci était encore vivant. Morgan l'avait gravement blessé et le jeune vampire était aussi triste qu'en colère. Il avait tout fait pour avoir le cœur de Morgan. Avant qu'Orden ne revienne parmi eux, il avait essayé de faire oublier à son amant cette douleur qu'il tenait secrète mais il n'avait jamais réussi. Et maintenant qu'Orden était de retour, Morgan n'avait plus besoin de lui et il était de nouveau seul. Morgan était toute sa vie et il se sentait vide sans lui. Au fond, Morgan n'avait jamais aimé chez lui que sa manière de l'aimer sans condition. Il avait été cruel mais Vincent avait tout cédé, espérant le voir changer un jour. Peine perdue. La partie était terminée.

Il se redressa dans son lit et remarqua qu'un bouton manquait à sa chemise. Il la retira et la jeta loin de lui en boule avant de se lever. Il avait envie d'une douche. Il entra dans la salle de bain, laissant ses habits derrière lui et après s'être fait couler un bain brûlant, y plongea sans sourciller. Il était frigorifié et il avait l'impression que l'eau était tiède.
Il s'immergea plusieurs secondes dans l'eau puis remonta à la surface et s'adossa à la baignoire en fermant les yeux. Il songea que Morgan aimait avant venir le rejoindre dans l'eau. Il se lovait contre lui et en silence, le laissait l'embrasser tout son soul. Maintenant, Vincent voyait cette époque comme une époque révolue. Morgan préférait la baignoire d'Orden. Le jeune vampire était persuadé d'être une roue de secours qui avait fait son temps. Morgan l'avait trouvé à son goût, il l'avait transformé puis il avait tout fait pour le mettre dans son lit et le rendre dingue de lui. Pourquoi? Pour oublier un humain qu'il croyait traitre. Vincent était malade de cette situation.

Le bain lui rappelant trop de souvenirs, il en sortit, se vêtit d'un peignoir et retourna dans sa chambre où il s'assit à son bureau. En charge des affaires socio-éducatives de la ville, il devait écrire l'ébauche de différentes réformes qui tendaient à modifier l'enseignement dans les écoles. C'était un travail long qui ne lui était pas familier. Plutôt homme de terrain, Vincent avait de bonnes idées mais peinait à les mettre sur papier. Il espérait toutefois ne pas faire de fautes...heureusement qu'il existait le correcteur automatique sur son ordinateur.
Travailler lui permettait au moins de penser moins à sa douleur.

[Orden Rosenkreutz]

Orden se laissa embrasser la main répondant à son amant par un sourire tendre. Lui avait toujours connu ces situations où Morgan se retrouvait complètement dérouté. Parfois il savait plutôt habilement les gérer, mais ce n'était pas toujours le cas. Aujourd'hui il était juste soulagé que les choses n'ai pas tourné au drame. Vincent, bien que chagriné était toujours là. Et son amant, bien qu'attristé lui aussi de ce qui se passait, se portait plutôt bien. Enfin tout était relatif. Le prêtre acquiéça lorsqu'il lui affirma avoir occulté Vincent lorsqu'il fut de retour. Il eut un pincement au coeur avant de laisser glisser hors de ses lèvres un rire gracieux.

Vincent ? Vouloir lui parler à lui ? Orden trouvait ça plutôt étrange, sachant que le jeune vampire c'était toujours débrouillé pour le mettre dans des situtations quelques peu inconfortable. Mais il doutait qu'il soit encore en mesure de le faire au vu de son état. Il devait être triste comme la mort, et cette simple idée lui étreignit le coeur. C'était sa faute si il souffrait ainsi. Le prêtre n'eu pas le temps d'y penser davantage puisque son amant l'aida à se relever et embrassa ses lèvres.

" Ne t'inquiète pas mon amour. Je ne laisserai pas tomber Vincent. Je te le promets."

Et l'ancien chasseur accueillit le baiser de son amant avec plaisir avant de le laisser partir.
Lorsqu'il fut hors de la pièce, Orden la contempla lascivement avant de pousser un soupir. Il sortit à son tour, laissant le personnel s'occuper du désordre qui régnait dans ce petit salon. Epoussetant sa chemise, il se mit en quête de la chambre du jeune vampire, qu'il ne tarda pas à trouver grâce aux indications d'une jeune et jolie servante. Bien que la gente féminine n'ai jamais été sa tasse de thé.

Orden hésita un instant avant d'entrer. Il ignorait dans quel état il allait retrouver Vincent. Son visage prit une expression douce, comme autrefois avec Morgan. C'était étrange a quel point ces deux êtres pouvaient êtres semblables parfois. Ils avaient la même façon de se torturer l'esprit. Sans frapper, il entra, puis referma la porte. Il trouva Vincent en train de travailler à son bureau, et d'un pas calme le chasseur l'y rejoint et s'emparant d'une chaise avant de s'y asseoir. Silencieux, conscient du fait que par fierté le vampire devait s'empêcher de pleurer. Alors il ne bougea pas et se contenta de fixer le mur face à lui. Après quelques instants il prit la parole.

" Je ne veux pas que tu parte Vincent. "

Le prêtre n'en dit pas plus pour le moment. Il savait ce que le brun avait l'intention de faire. Lui aussi avait pensé ainsi. Le laisser pour que son amant soit heureux. Mais aujourd'hui, il savait que c'était de très loin la plus mauvaise solution.

" Ce n'est pas en partant que Morgan sera heureux. Crois-moi, j'en sais quelque chose. Je sais que....que tu pense qu'il ne t'aime pas. Qu'il n'a que d'yeux pour moi. Mais c'est faux. Morgan t'aime à sa façon. Une façon différente et qui n'est en rien comparable à notre situation. Mais....il a eu peur. Peur de te blesser, parce qu'il ne voulait pas s'apercevoir un jour que les sentiments qu'il nourrissait pour toi étaient inexistants. Bien entendu ce n'est pas le cas. Il éprouve vraiment quelque chose de fort à ton égard. Seulement il est très maladroit pour l'exprimer. Bien sûr mon retour n'a pas arrangé les choses. Mais maintenant que je suis là, Morgan n'a plus de raisons de te fuir, et de fuir l'amour que tu lui voue. "

A mesure qu'il parlait, son visage s'éclairait d'un doux sourire. Orden voulait vraiment le bonheur de Morgan et celui de Vincent. Il tenait vraiment à ce que les choses aillent mieux. Jamais il ne pourrait vivre en sachant que l'un et l'autre souffrait en silence.

" Je te l'ai déjà dit, mais...Morgan ne prend jamais quelqu'un à ses côtés sans raison. Si tu es là, c'est qu'il tient à toi. Le plus agaçant étant finalement de chercher sa tendresse. Car tu ne dois pas douter de son amour. Il a conscience de t'avoir fait souffrir. Il s'en veut beaucoup tu sais. Et tu n'imagine même pas comme il doit se torturer à cause de ça. Dès que Morgan prend conscience de quelque chose, c'est comme si une tornade s'emparait de son esprit. Et puis...."

Orden marqua une pause, fixa Vincent, puis reprit.

" Et puis je trouve que tu es quelqu'un de sympathique en dehors de tes airs jaloux. Je comprends parfaitement pourquoi Morgan t'a prit à ses côtés. Tu es quelqu'un d'attachant, d'intelligent et de fidèle. S'il te plais Vincent. Ne prends pas la mauvaise décision. Reste. C'est moi qui te le demande. Je veux que tu reste avec nous. "

Oh bien sûr il ne se faisait guère d'illusions. Si Vincent voulait s'en aller il ne pourrait pas l'empêcher. Mais très sincèrement il ne le voulait pas. Partager Morgan ne lui posait pas vraiment de problème. L'amour était quelque chose de grand qu'il pouvait partager avec beaucoup de monde. Enfin beaucoup. Aujourd'hui ça ne concernait que Vincent.

" Si tu veux pleurer, ne te retiens pas. Je ne me moquerai pas, je ne te regarderai pas. Tout ce que je veux c'est que tu te sente mieux Vincent. C'est un peu idiot, et peut-être naïf de dire ça. Mais je le souhaite vraiment.

[Vincent Lonenlill]

Vincent essayait de se concentrer sur sa tâche mais le cœur n'y était pas. Il n'avait que Morgan à l'esprit et l'insupportable douleur qu'il ressentait l'empêchait d'avoir les idées au clair. Son existence prenait une route des plus sinueuses, et dont l'issue était plus qu'incertaine. Qu'allait il faire sans Morgan? Arriverait il à vivre sans lui? Il en doutait.
Une goutte tomba d'une mêche de ses cheveux et vint s'écraser sur la feuille devant lui. Il poussa un petit juron agacé et la froissa nerveusement avant de la jeter au sol.

Il entendit Orden ouvrir la porte et s'approcher. Il n'avait pas mis beaucoup de temps à le rejoindre. Aussitôt il pensa à Morgan : que s'était il passé entre lui et l'ancien chasseur? Etait il effondré? Ou s'en foutait il? Vincent se trouvait faible de penser ainsi mais il n'y pouvait rien. Il avait cet ingrat de Morgan dans la peau.
L'humain prit une chaise et s'assit à ses côtés. Le jeune vampire ne pouvait pas le regarder. C'était au dessus de ses forces. Et quand Orden lui dit de ne pas partir sa seule première réaction fut de crisper ses doigts autour de son stylo de telle sorte que l'objet de plastique se fendilla sous ses doigts.
Il écouta Orden, se demandant pourquoi il faisait ça. S'il voulait il aurait Morgan pour lui tout seul. Le chasseur avait l'air de le connaitre étrangement bien et cela mettait Vincent mal à l'aise. En effet, comment pouvait il savoir qu'il avait l'intention de partir?
Il avait très envie de croire aux paroles d'Orden mais il avait du mal à le faire. Si Morgan tenait vraiment lui, il n'agirait pas ainsi.

"Tout ce que tu me dis...j'aimerais y croire mais j'aurais préféré que ce soit Morgan qui me le dise."

Il laissa tomber le stylo cassé et soupira.

" Tu sais, je ne lui ai jamais demandé une demande en mariage mais un mot d'affection de temps en temps m'aurait plu. Il agit avec moi comme si ce que je ressentais ne comptait pas. Un instant il est l'homme idéal et l'instant d'après il devient aussi froid et insensible qu'un glacon. Il me demande un amour inconditionnel et qu'est ce que j'ai en échange? Les restes de l'amour qu'il a pour toi. J'ai de plus en plus de mal à le supporter et cette fois ci il ne sera pas pardonné aussi facilement que d'habitude. Tu l'excuses, c'est normal, mais ça ne changera pas le fait que je veux entendre de sa bouche qu'il veut que je reste. Sinon, je partirai lorsqu'il n'aura plus besoin de mes services dans son gouvernement. "

Il se retourna enfin vers le chasseur et rencontra son sourire plein de douceur. Il en fut déstabilisé et le regarda un instant, silencieux. A cet instant, il comprit pourquoi Morgan était tombé amoureux d'Orden. Il savait écouter et semblait comprendre les choses mieux qu'eux.
Il sourit à son tour.

"C'est drôle. C'est nous les vampires qui sommes censés tout comprendre au monde qui nous entoure mais en fait nous sommes perdus. Et parfois, on rencontre une personne qui sort de l'ordinaire et il s'avère que c'est un humain et là, on se sent plutôt minable."

A ce moment, il ne ressentait plus aucune animosité envers Orden.

" Tu es étonnant. Je te croyais faible au début mais je m'étais trompé."

Une des principales qualité de Vincent était d'être une franchise à toute épreuve.

" Assez parlé de Morgan. Je vais encore m'énerver et je ne dis plus que des conneries quand je suis énervé" lui dit il dans un sourire un peu crispé. " Il m'a fait mal et je n'ai pas envie de lui pardonner tout de suite...tu veux bien rester? J'ai envie de parler. De tout, de ce monde bizarre, de toi...il n'y a que des faux culs ici."

Vincent souriait mais sa tristesse affleurait par moments. Il était terriblement seul et, c'était étrange, il avait envie de la présence d'Orden. Si Morgan l'aimait tant, il avait lui aussi envie de le connaitre même si sa jalousie le tenaillait encore. Il ne voulait pas lui demander ce qui s'était passé au cimetière mais il ne pouvait pas s'empêcher de penser à deux amants tendrement enlacés après une folle étreinte au milieu des tombes.

[Orden Rosenkreutz]

Comme il s’y était attendu, plaider en la faveur de Morgan ne suffisait pas. Mais en se mettant à la place de Vincent il comprenait parfaitement. Il faudrait bien qu’un jour son amant affronte ce qui lui faisait peur. Il ne pouvait pas assumer toujours ses bêtises avec le jeune vampire en plaidant sa cause. Le brun était profondément blessé, ils devraient à un moment ou a un autre se parler, mais sans doute fallait-il faire en sorte que la situation s’apaise un peu. Le prêtre ne souhaitait pas que la « discussion » vire au bain de sang. Le temps ferait son œuvre, il ne pourrait pas toujours jouer les médiateurs. Bien qu’il n’avait pas grand-chose à faire ici, ce n’était pas son rôle de surprotéger Morgan. Bien sur il comprenait les deux parties, mais son amant nourrissait des sentiments et il ne pourrait pas les cacher éternellement, de toute façon il ne le permettrait pas.

Un profond sentiment de tristesse l’envahit soudain. Les paroles de Vincent le touchaient en plein cœur. Il comprenait plus qu’il ne pouvait penser. Morgan était la brise et l’ouragan à la fois. Avec lui il n’y avait jamais de demi-mesure, c’était tout ou absolument rien. Et bien que Vincent l’ignorait, Orden souffrait beaucoup avec le vampire. Rien n’était simple car son amant était en proie à des milliers de doutes. Il avait été un monstre sanguinaire autrefois. Il avait cru le redevenir aujourd’hui. Distraitement il caressa les marques à son cou.

Un léger rire franchit ses lèvres, et d’un signe de tête Orden remercia Vincent pour son compliment. Sincèrement il le trouvait adorable. Le brun était d’une franchise absolue et le prêtre appréciait grandement ses paroles sans détours. Morgan avait une chance qu’il ne savait pas mesurer. Le jeune vampire était un être extraordinaire, plein d’amour et d’énergie. Il n’était pas comme tous ces vampires, rongés par les siècles.

Le prêtre prit une inspiration regarda le plafond un instant, puis toujours ce sourire bienveillant sur le visage il reprit la parole.

« Je vais rester Vincent ne t’inquiète pas. Il est vrai qu’il ne doit pas y avoir grand monde à qui te confier dans ce manoir. Les autres vampires ont les dents longues, ils n’hésiteront pas à profiter de la moindre faiblesse. Je les déteste pour ça. Cependant, avant de parler d’autre chose, j’aimerais clarifier quelque peu la situation. »

Orden se leva et écarta un peu le col de sa chemise pour dévoiler les marques des mains de Morgan sur son cou.

« Il ne s’est rien passé entre nous au cimetière. Isaac a lancé la première offensive en possédant l’esprit de Morgan. Il a cru redevenir le vampire sanguinaire qu’il était autrefois. Si je n’avais pas deviné que c’était le prince de Kiev, il m’aurait tué…. »

Sur les derniers mots la voix du prêtre se brisa légèrement. Il avait cru disparaître à tout jamais, et il avait réalisé à quel point il tenait à la vie. Sa gorge était encore douloureuse, et son esprit bien que résistant sacrément ébranlé. Dans ce regard il avait revu les années d’horreurs qu’il avait passé aux côtés de ce vampire. Une larme roula sur sa joue et lorsqu’il s’en rendit compte il était trop tard. Celle-ci s’écrasait déjà par terre. Reprenant contenance il offrit un doux sourire au vampire.

« Pardon. C’est rien, juste de douloureux souvenirs…. »

Et puis il ne su pourquoi, mais il s’approcha de Vincent et l’enlaça dans une étreinte amicale. Sa tête vint reposer contre celle du vampire. Il respira le doux parfum de ses cheveux humides. Orden en avait besoin, juste ce contact amical et sans arrière pensée.

« Je veux vraiment que tu reste Vincent. Je ne te le demande pas pour Morgan. C’est une demande égoïste de ma part. Tu sais…..même si tu es parfois jaloux, et un peu tête de mule, je t’aime bien. Sincèrement….. »

Ses lèvres s’ouvraient toutes seules. Il ne pouvait retenir ces quelques phrases. Vincent apportait une présence rassurante et stable qui ne saurait être remplacée. Le prêtre souhaitait son bonheur. Orden joua distraitement avec la chevelure sombre du vampire. Il se sentait perdu, sûrement autant que Vincent. Il y avait Morgan, Isaac, cette ville à gérer. Tout était devenu compliqué. Le prêtre avait envie d’être rassuré et bizarrement seul Vincent y arrivait. Avec lui il se sentait bien, comme si le poids de ses problèmes disparaissait durant quelques instants, alors qu’il écoutait ceux d’un autre. Juste écouter et aider. Alors pour ne pas le gêner peut-être davantage, il se recula et retourna s’asseoir sur la chaise. Croisant les jambes il prit un air enjoué, masquant autant qu’il le pouvait sa fatigue et son inquiétude. Se distraire c’est tous ce dont les deux êtres avaient besoin.

« De quoi veux-tu parler ? En tout cas sur mon propre cas il n’y a pas grand chose à dire. Je suis né il y a trente-six ans dans les environs de Kiev. Ma famille a été massacrée, j’ai ensuite été recueillit par un prêtre qui ma élevé jusqu’à mes quatorze ans. Il a été tué puis j’ai rejoint une faction de chasseur de vampire à Kiev avant de venir à New York. Rien de bien passionnant, en somme. »

Le prêtre eut un petit rire nerveux. C’était le résumé de sa vie le plus court qu’il ai jamais fait. Bien entendu il avait prit soin d’occulter la responsabilité de Morgan dans le massacre de sa famille et du prêtre. Le but étant pour l’heure de ne pas parler de lui. Son visage prit une expression un brin amusée.

« Mais j’aimerais en apprendre davantage sur toi, sauf si bien sûr ton passé est trop douloureux. Je ne voudrais pas te replonger dans de mauvais souvenirs. En tout cas sache que si un jour tu veux parler, je serai toujours là pour t’écouter, n’importe quand. »

[Vincent Lonenlill]

Vincent sentait avec une certaine confusion qu'Orden n'était pas l'ennemi à abattre, comme il le pensait jusqu'à présent. Certes, il avait l'amour de Morgan, certes il le faisait se détourner de lui, mais dans ce manoir où la plupart des vampires le regardaient d'un œil noir en sa qualité de favori, le prêtre était la seule personne qui était en mesure de le comprendre. Dans un sens ils se ressemblaient un peu et Vincent , malgré sa jalousie, n'arrivait pas à le détester comme il aurait du le faire. D'ailleurs l'humain avait parfaitement conscience de l'animosité de certains à son égard. Beaucoup aimeraient prendre sa place et ce, à n'importe quel moyen. La moindre de ses faiblesses serait employée pour ça. Et il n'avait qu'une grande faiblesse.

Orden lui raconta ensuite ce qui s'était réellement passé au cimetière et le jeune vampire se trouva soudain très bête. Il avait une fois de plus agi comme une grosse bête bourrue.

" Je ne me suis douté de rien. Le comportement de Morgan était pourtant très étrange mais je n'ai pas senti la présence d'Isaac en lui. Pourtant, j'ai quelques facultés en télépathie...il est très fort et pour être tout à fait franc avec toi, j'ai peur que nous l'ayons sous estimé. Il faut en finir rapidement..."

Il fut coupé par l'élan d'Orden, qui, les yeux rendus humides par quelques souvenirs atroces, se jeta dans ses bras et posa sa tête sur son épaule. Le jeune vampire, abasourdi, le laissa jouer avec ses cheveux, figé par la stupeur. Il ne savait pas quoi faire et il se savait trop maladroit dans ses paroles ou ses actions pour tenter quoi que ce soit.
Heureusement, Orden retourna s'assoir, le sortant un peu de son mal aise. Le prêtre lui parlait un peu de lui mais il ne s'attarda pas sur les détails. Vincent le comprit car le résumé de la vie de l'humain n'était pas joyeux. Ils se ressemblaient là dessus. C'était Morgan qui les avait sauvé.


" Autrefois, j'ai été amoureux. Je croyais que c'était un amour d'une vie mais j'ai été trahi et j'ai fait une chose que je n'aurais jamais du faire. J'ai fait plusieurs années de prison et à ma sortie, j'étais détruit. J'ai voulu mourir mais Morgan m'en a empêché. Au début, j'avais peur de lui mais au lieu de faire de moi ce qu'il voulait il m'a laissé partir. La seconde fois où je l'ai vu, il a changé ma vie et est devenu mon dieu."

Vincent parlait de ses sentiments avec la même franchise que pour le reste.

" Cet Isaac doit mourir. Je ne permettrai pas qu'il fasse du mal à Morgan, tu comprends? Je suis en colère contre lui parce que je sens qu'il m'utilise comme il utilise tout ce qu'il entoure et je sais que je suis trop faible face à lui pour lui résister. Il sait que je reviens à chaque fois et c'est ça qui me fait enrager. Et puis, quand il te regarde, ses yeux brillent tellement que j'ai envie de crever...je croyais que c'était toi que je détestais mais en fait, c'est ma faiblesse et ma dépendance qui me font peur. Je..."

Il en disait trop. Il se dévoilait trop. Il se tut et conscient qu'il était encore en peignoir, se dirigea vers la salle de bain en silence avant de revenir, les hanches ceintes d'un pantalon ample et beige d'intérieur. Vincent n'était guère pudique, et puis de toute façon, Orden avait déjà vu un homme, non?
Il s'assit en tailleur sur son lit et se saisit d'une cigarette qu'il fit tourner dans ses doigts.

" Je fumais avant. Ca me manque mais je n'arrive plus à avaler la fumée. C'est frustrant" dit il en demi-sourire. " Orden, désolé de te demander ça mais je dois en savoir plus sur Isaac. Ses différentes facultés, sa personnalité...si je veux pouvoir le coincer, je dois le connaitre."

Ses yeux couleur ambre se posèrent, décidés, sur le prêtre. Orden ne souhaitait sûrement pas se replonger dans ces souvenirs, mais c'était important.

[Orden Rosenkreutz]

Orden se doutait qu’il devait avoir gêné quelque peu le vampire en allant le serrer dans ses bras. Mais il n’y pouvait décidément rien. Il était quelqu’un que le contact ne rebutait pas. Pour lui c’était simplement une manière de communiquer un peu de chaleur à quelqu’un qu’il appréciait. Et puis lorsqu’il y repensait, le prêtre n’avait malheureusement pas eu la chance de bénéficier d’un amour « normal ». Toute sa vie il avait été pourchassé par Morgan, rompu par lui, jusqu’à ce que sa haine soit si grande qu’elle avait fini par l’engloutir complètement. Vingt ans de haine. Vingt ans pour enfin comprendre ce que son amant avait cherché à faire en faisant de sa vie un enfer. C’était voilà deux ans, dans cette même ville de New York. Et depuis, depuis il y avait eu cet amour inconditionnel qu’ils se vouaient. Mais également toutes ces peines, ces difficultés. Morgan ne l’avait malheureusement pas ménagé, et Orden n’avait pu que lui pardonner, cédant à tous ses caprices, jusqu’à s’en faire blesser parfois.

Puis Vincent raconta à son tour ce qu’il avait vécu. La tristesse dans le cœur du prêtre ne fit que grandir. L’amour était décidément quelque chose de cruel. Dans son esprit il pouvait parfaitement imaginer ce qu’avait dû ressentir le brun face à sa vie. Ce désespoir de chaque instant qui ne donnait qu’envie d’en finir un bonne fois pour toute. Il songea un instant à ce Morgan errant dans les rues de la ville, massacrant de désespoir tous ceux qui croisaient son chemin. Qu’il avait dû se sentir mal durant tout ce temps. Comme Vincent, il avait dû éprouver un sentiment de trahison intense. Le prêtre s’en voulait, même si il n’était pas responsable de ce qui lui était arrivé.

C’est alors que le jeune vampire se mit à parler de son ressentit face à Morgan et lui. La douleur le submergea bientôt. Le prêtre baissa pitoyablement la tête face aux aveux du brun. Ses doigts blancs se crispèrent sur son pantalon. Lui aussi était en colère, contre son amant de traiter Vincent ainsi, et contre lui.

« Pardon…….pardon Vincent. J’aurais tellement aimé que tu ne souffres pas tant. Que tu puisses toi aussi bénéficier de cet amour que tu mérites bien plus que moi. Parfois je me dis que je n’aurais jamais dû revenir. Morgan aurait fini par m’oublier, et peut-être que Isaac ne serait jamais venu le chercher jusqu’ici. Je suis responsable de ta souffrance au même titre que Morgan. Je n’avais pas le droit de revendiquer cette place qui n’est plus la mienne. Même si je l’aime de tout mon cœur, j’ai été égoïste, je n’ai pensé qu’à le retrouver, parce que dans mon esprit il n’y avait que lui qui pouvait m’aider. Cependant, je ne peux plus disparaître à présent. Morgan ne le supporterait pas, tout comme il ne supporterait pas ton départ. Mais je ne peux nier que je lui en veux également pour la manière dont il te traite. »

Le prêtre se mordilla nerveusement la lèvre. Cette situation était terrible pour lui. Si encore il avait détesté Vincent ça n’aurait posé aucun problème, mais ce n’était pas le cas. Orden n’était pas un vampire rongé par les siècles, et son cœur se fendait devant cette pénible histoire. Il n’y avait qu’une impasse face à lui, et cette inextricable expérience lui pesait. Il s’en voulait tellement pour la souffrance du jeune vampire. Tout ça lui semblait si injuste, et ses maigres défenses psychologiques s’amenuisaient avec les minutes. Cependant son visage n’en montra rien de plus qu’une expression accablée. Il regarda Vincent se lever pour s’habiller et le prêtre profita de ce laps de temps pour paraître moins blessé et triste qu’il ne l’était.

Et puis le brun reprit la parole. Sa demande crispa légèrement Orden qui le dévisagea. Un pale sourire orna ses lèvres. Prenant appui sur ses jambes, il se leva et vint s’asseoir sur le lit, pas très loin de Vincent. Il fixa un long moment les striures du parquet tout en se mordillant la lèvre jusqu’à la fendre. Parler de Isaac était quelque chose qui lui était extrêmement pénible, même avec Morgan. Tranquillement, il vint défaire les boutons de sa chemise avant de la laisser tomber sur le matelas, dévoilant son torse blessé mainte et mainte fois par le prince de Kiev. Le silence s’installa désespérément dans la pièce. Orden cherchait à rassembler ses idées et contenir sa peur. Cependant il n’osa pas un regard sur Vincent. C’était une chose dont il ne pouvait parler de manière détachée. Pourtant il était habitué à masquer ce qu’il ressentait, mais lorsqu’il s’agissait d’Isaac, ses maigres défenses s’écroulaient.

Très bien. Mais pour comprendre la motivation de Isaac il faut parler de ce lien qui l’uni à Morgan, et qui m’uni à lui par la même occasion. Ma famille, et le prêtre qui m’a adopté, ont été massacrés par Morgan. Il s’est évertué durant des années à forger ma haine pour que je devienne un adversaire capable de le tuer. C’est en quelque sorte ce lien qui nous uni tous les trois, celle de mettre fin à nos vies. Mais la question n’est pas là. A l’époque Morgan a rencontré Isaac à Kiev. Ils sont devenus en quelque sorte « amis » et un jour, il a décidé de faire part de ses projets à mon égard au Prince de Kiev. Mais la jalousie s’est emparée de son cœur, et un combat s’en est suivi. Un combat ou Isaac un perdu son œil. Il a alors nourri une haine farouche envers lui, et s’est juré de se venger en détruisant sa vie et en le poussant vers la mort.

Orden marqua une pause et tenta de contrôler le tremblement de ses épaules. Il se rendait compte à quel point cette vie pouvait être exempte de tout véritable bonheur. Inspirant profondément il poursuivit.

« Depuis lors, Isaac attaque seulement indirectement et ma disparition il y a deux ans est liée à cette histoire. C’est quelqu’un de froid et de manipulateur. C’est également un excellent télépathe. Il s’amuse à jouer avec l'esprit des humains et des vampires jusqu’à le détruire complètement. Il cherche en toi les démons qui te rongent et les décuples à l’infini. Il est plus âgé que Morgan, et surtout d’une intelligence remarquable. Il ne se laissera pas avoir par des plans « d’enfants » comme nous. J’espère seulement qu’il commettra l’imprudence qui nous permettra de le coincer. Par contre il ne s’attaquera jamais directement à Morgan, il préfère agir sur ce qui l’entour. Moi pour l’instant, et j’espère que ça le restera. Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose Vincent.

Quitte à ce que quelqu’un souffre dans cette histoire, Orden préférait que ce soit lui. Il chercha quelques instants d’autres choses à dire sur Isaac, mais elles ne lui vinrent pas. Ses bras faméliques vinrent entourer son torse, et il fixa lascivement les phalanges rougies de ses doigts.

« Tu sais, fut un temps ou Morgan agissait avec une exceptionnelle cruauté. Je sais qu’aujourd’hui il a enterré ses vieux démons, mais….j’ai un doute à présent. Au cimetière, c’est ce que Isaac a fait ressurgir en lui. J’ai peur pour lui….et aussi…..je dois bien avouer que j’ai peur pour ma propre vie. Ce n’est pas de la couardise car je ne reculerai pas. Mais….je crains Isaac. »

La voix du prêtre s’éteignit dans un souffle. Son regard se perdit au-delà de la fenêtre, dans ce champ noir qu’était la nuit. La pluie se mit alors à frapper la fenêtre. Les épaules tremblantes, Orden se sentait misérable et perdait toute contenance. O bien sûr il avait conscience que Vincent était là, et qu’il ne manquerait peut-être pas de lui reprocher sa faiblesse. Mais le prêtre n’avait plus la force de bouger pour s’échapper de cette chambre. Il se contentait de fixer la pluie, le regard vague. Il n’arrivait même pas à imaginer une vie sans peine et sans douleur. A croire que c’était son destin finalement. Aimer, mais en payer le prix fort.

[Vincent Lonenlill]

Vincent n'aimait pas s'apitoyer sur son sort. Il prenait la compassion des autres pour le miroir de ses propres faiblesses et il n'aimait pas non plus ce défaut chez les autres. Pourtant il se sentait tellement paumé qu'il ne pouvait pas s'empêcher de parler à Orden. Celui avait l'air ému par sa confession. Peut être se retrouvait il peu dedans. Il s'excusait même alors qu'au fond, Vincent savait bien qu'il n'y était pour rien. C'était Morgan qui le faisait souffrir en jouant au feu et à la glace avec lui. Orden l'aimait, il n'y avait pas de raison pour qu'il ne revienne pas vers lui après s'être échappé des griffes d'Isaac. Morgan pouvait parfois se montrer cruel et Vincent, quand il en faisait les frais, avait du mal à le supporter. Avec le retour d'Orden, Vincent était conscient d'avoir occulté son désespoir face aux sentiments absents de Morgan pour ne plus penser qu'à sa simple jalousie. Ce retour n'avait fait qu'exacerber sa tristesse et son sentiment de solitude. Avant Orden, il avait toléré les incartades de son amant mais Morgan était toujours revenu vers lui. Avec Orden, c'était différent. C'était plus douloureux. Mais il ne pouvait pas en vouloir au prêtre. L'amour ne se commandait pas.

Il lui demanda de lui parler d'Isaac et il vit le visage d'Orden blanchir. Les souvenirs devaient être trop douloureux. Le jeune vampire ouvrit la bouche pour lui dire de prendre son temps mais le prêtre s'était séjà levé. Il vint s'assoir près de lui sur le lit et commença à défaire les boutons de sa chemise. Vincent le regardait d'un air interrogatif mais ses traits prirent une expression horrifiée quand le torse nu du jeune homme fut entièrement dévoilé. Il était couvert de plaies. Certaines n'étaient plus que de fines striures blanches mais d'autres, sans doute plus profondes, étaient encore rouges. Pas un endroit n'était épargné. Vincent avait l'impression d'être devant l'œuvre d'un fou qui s'était amusé à détruire méthodiquement l'homme devant lui. Orden avait du affreusement souffrir. C'était atroce.
Il eut du mal à se reconcentrer sur les paroles du prêtre qui lui dévoila sa rencontre avec Morgan. Ce qu'il apprit lui fit peur. Morgan avait donc bien été ce monstre qu'il disait parfois avoir peur d'être de nouveau. L'aurait il aimé s'il l'avait rencontré à cette époque? Orden l'avait aimé,lui, et il l'avait sorti de l'enfer. Il comprenait maintenant le lien unique qui les unissait. Pour Vincent, Morgan était le dieu qui lui avait redonné la vie et pour Morgan, Orden était pareil.

Isaac était donc redoutable. Télépathe, intelligent, sournois, il n'affronterait jamais Morgan en face en face.

"Orden..."l'appela-t'il doucement en voyant le prêtre prostré et silencieux.

" J'ai confiance en Morgan et en nous. Isaac a l'air dangeureux mais un jour ou l'autre il commettra une faute. Ce genre d'individu a toujours une faiblesse. Quand j'étais en prison, j'en ai rencontré de cette trempe, obsédés par une chose au point de tout faire pour détruire tout ce qui était lui. Isaac est obsédé par Morgan. Il veut sa mort mais surtout il veut qu'il souffre. Il ne reculera devant rien pour obtenir ce qu'il veut et c'est ça qui est sa plus grande faiblesse : Morgan. S'il ne réussit pas à l'atteindre assez fortement, il fera des imprudences, des erreurs. Nous ne devons pas nous laisser gagner par la panique, c'est ce qu'il veut."

Dans un geste absolument pas calculé, il posa sa main sur l'épaule pâle du prêtre.

" Je sais que je suis beaucoup moins fort que Morgan ou qu'Isaac mais je ne le laisserai pas te faire du mal à nouveau. Il n'a pas le droit d'utiliser les êtres pour obtenir sa vengeance. Je te jure que je ne le permettrai pas. Je vais entrainer ma télépathie pour qu'il ne m'atteigne pas et toi, tu le connais. Si on reste ensemble et que comme tu le crois, sa technique est de ne pas frapper directement, il ne nous atteindra pas et il sera obligé de sortir de son trou. Et là, je suis sûr que Morgan n'en fera qu'une bouchée. Espérons seulement que sa rage ne fasse pas ressurgir celui qu'il était avant et que sa colère ne frappe qu'Isaac."

Il resta un instant silencieux. Avec les mots du prêtre, il avait l'impression d'apprendre enfin qui était Morgan et cela l'angoissait un peu. Il le connaissait si mal.
Sa main, toujours posée sur l'épaule du prêtre rencontra une cicatrice. Avec quoi avait il pu faire cette blessure? C'était terrifiant de voir à quel point certains êtres étaient fous.

" Tu as du tellement souffrir...comment as tu fait pour supporter? Pour tenir?"

D'un doigt il suivit la trace d'une profonde entaille qui descendait le long de son dos. Il ferma les yeux tandis qu'une fulgurante migraine lui martelait les tempes. C'était la souffrance muette d'Orden qui hurlait dans son cerveau réceptif. La douleur était réelle, pas seulement un souvenir. Il eut un hoquet de douleur.

" Tu souffres...désolé, je suis entré dans ton esprit...je ne contrôle pas bien...désolé"

enfin, la douleur s'estompa brutalement dans son cerveau. Sa main s'était crispé sur la peau du prêtre, il laissant une empreinte rouge.

"Tes blessures te font encore souffrir et tu ne dis rien. Je ne sais pas si je serai capable de faire la même chose."

Ses doigts se posèrent sur la marque violacée des doigts de Morgan sur son cou. Il se leva et revint quelques instants plus tard, un pot d'onguent dans la main. Sans demander son avis au prêtre, il en mit sur le bout de ses doigts et l'apposa doucement sur la peau fragile.

"Dis moi si je te fais mal..."

Il s'en voulait d'avoir violé ainsi l'esprit du prêtre et d'avoir vu ses souffrances intérieures. Après avoir aperçu ses douleurs et tout ce qu'il avait enduré pour Morgan, il ne pouvait plus lui en vouloir et l'instinct protecteur qu'il vouait à Morgan s'agrandit soudain pour laisser entrer Orden. A partir de cet instant, plus personne ne toucherait un cheveu du prêtre.

[Orden Rosenkreutz]

Le silence c’était installé entre les deux hommes. Orden regardait la pluie tomber, luttant contre lui-même pour chasser cette atroce douleur qui lui vrillait l’esprit. Parler de cette expérience avait ouvert la fenêtre de ses souvenirs les plus douloureux. Il s’entendait réclamer de la chair à son bourreau. Cette envie si oppressante de sang. Il sentait les coups s’abattre sur sa chair blanche. Les griffes s’y planter, et les crocs percer encore et encore la peau laiteuse de son cou. Et comme si il ne s’en était pas assez fallu, le prêtre revivait ces impitoyables moments de souillure. Jamais il n’oublierait le regard de Morgan lorsqu’il l’avait retrouvé. Pourtant il supportait bien des choses, mais pas cette expression de dégoût qui le renvoyait à ce qu’il était devenu. Il faisait tous les efforts possibles pour donner le change, mais ça n’effaçait pas le mal contre lequel il luttait depuis deux ans. C’était ce qui l’attristait. Il ne redeviendrait probablement pas celui qu’il était autrefois.

Une voix.

Vincent l’appela doucement et le sorti de sa torpeur. Silencieux il écouta ce qu’il avait à lui dire sans pour autant croiser son regard. Dans un soupir ses iris bleutés disparurent derrière ses longs cils noirs. Dieu qu’il souhaitait croire en ses paroles. Croire que Isaac se montrerait suffisamment impatient pour commettre une faute qui lui serait fatal. Mais….malgré tout, le prêtre ne se savait plus assez solide pour lui faire face. Et la prochaine rencontre avec son bourreau serait sans aucun doute fatale à son esprit. Morgan était fort, même si il craignait de voir ressurgir ses démons, il avait continué de vivre après sa disparition. Vincent lui non plus ne craignait pas grand-chose. L’univers de la prison lui avait sans doute, malgré lui, apporté quelques défenses bien utiles. Orden se sentait misérable face à eux. Il feignait en permanence le bien être pour ne pas inquiéter son amant. Mais dans le fond c’était bien inutile.

Une main se glissa sur son épaule.

Le prêtre tourna lentement la tête et offrit un sourire triste au vampire. La main du brun lui semblait brûlante sur sa peau froide. Et ses paroles le confortèrent quelque peu. Ce jeune homme avait un cœur en or, et bizarrement Orden n’avait considéré autrement le vampire. Cependant la fin de sa tirade lui arracha un soupir. Le prêtre croisa les jambes sur le matelas pour se mettre plus à l’aise et quitta le regard de Vincent pour fixer les draps.

« Tu sais, je ne souhaite pas pour Morgan que ce côté de sa personnalité ressurgisse. Surtout que lorsqu’il revient à la réalité il se sent terriblement mal. Ce n’est pas la première fois qu’il a essayé de me tuer, emporté par sa rage. Autrefois, lorsqu’il était blessé, il tuait, jusqu’à ce que sa colère s’apaise. Mais c’était un cercle vicieux car lorsqu’il s’en débarrassait d’autres revenaient. Il n’a jamais supporté le bonheur des humains alors que lui était si malheureux. C’est pour ça qu’il a massacré durant des siècles sans jamais trouver un adversaire capable d’enfin l’envoyer vers la paix. Et pourtant aujourd’hui, même si il n’agit plus de la sorte, je sais qu’il n’est pas apaisé. Son amour est fait de désespoir et nos « rapports » si je puis dire, deviennent souvent violents. Désespérément violent. Je vois la souffrance dans ses yeux. Je vois le doute, la crainte d’être abandonné……il ne sait pas faire autrement. C’est aussi pour ça qu’il peut être braise ou glace avec toi. C’est toujours un rapport à l’extrême…… »

Le silence s’installa de nouveau. Orden avait l’étrange impression parfois que tout était à recommencer avec Morgan. O bien sûr jamais il ne l’abandonnerait, mais la lassitude s’emparait de son corps, et surtout de son esprit. Aujourd’hui il n’avait plus la force. Si faible. Et il s’en voulait pour autant de faiblesse. Il se devait d’être toujours ce roc pour Morgan. C’est alors que Vincent reprit la parole et les iris du prêtre s’écarquillèrent. Il ouvrit la bouche, puis la referma. Un soupir, puis un sourire qui ourla ses lèvres.

« Vincent…..au moins à toi, j’aimerais dire que je n’ai pas supporté. Je ne fais que feindre pour ne pas blesser Morgan qui à d’autre chose à faire que ça maintenant qu’il dirige cette ville. Mais durant deux ans, mes pensées se sont focalisées sur lui, l'espoir de le revoir un jour, c’est sans doute pour ça que je n’ai pas encore un pied dans la tombe. Cependant notre rencontre à New York est due au hasard. Je ne voulais pas qu’il me voit ainsi. Lorsque je me suis « échappé », enfin quand Isaac m’a laissé partir, j’ai pensé mille fois à mettre fin à mes jours. Aujourd’hui je n’y pense plus….mais…. »

Orden s’arrêta. Il ne voulait pas lui dire qu’il n’était pas heureux, même si il avait retrouvé Morgan. Isaac était toujours en vie. Et les choses lui semblaient aller de mal en pis. Ironiquement il se demandait si après le prince de Kiev d’autres problèmes n’allaient pas surgirent pour les faire souffrir tous les trois. N’auraient-ils jamais la paix ? Le prêtre sentait toutes ses barrières s’affaisser mollement. La fatigue sans doute le conduisait à être si défaitiste. Et alors que Vincent suivait d’un doigt l’une de ses cicatrices, le prêtre s’amusa à tordre entre ses doigts un bout du drap, pour effacer quelque peu sa nervosité. Mais très vite la main du vampire sur son dos lui arracha une grimace qu’il dissimula au mieux. Si seulement il pouvait se reprendre un peu. Cependant Vincent coupa court à toutes ses pensées en lui avouant qu’il avait lu dans son esprit. Orden ouvrit la bouche pour répliquer, mais rien ne lui vint.

O bien sûr, il ne lui en voulait pas d’avoir percé son intimité, mais il craignait la réaction du brun quant à ce qu’il avait vu. Et la main crispée sur son épaule lui disait qu’il savait à présent ce qu’il ressentait. Le prêtre baissa la tête, a quoi bon se cacher maintenant.

« Je ne veux inquiéter personne, c’est pour ça que je ne dis rien. Mais crois moi, ne fais jamais ça Vincent. Ton naturel c’est ce qui te caractérise, tu n’as pas besoin de te cacher derrière un masque…. »

C’est alors que le jeune vampire se leva. Orden en profita pour effleurer les marques sur son cou, comme venait de faire Vincent. Un peu étonné, il le vit revenir avec un pot d’onguent qu’il lui appliqua doucement sur la peau. Le prêtre le laissa faire, son expression redevenue neutre. Du moins pour quelques instants. Un léger sourire aux lèvres, il contempla le visage du brun. Ses cils noirs, ses cheveux tombants sur son visage. Il était beau, une beauté masculine, une expression forte. Quelque part Orden l’admirait d’être ce qu’il était. Et puis soudain la douleur revint plus forte que jamais. Ramenant ses jambes contre lui, le prêtre laissa tomber son front contre ses genoux. Il tentait vainement de retenir les larmes qui se précipitaient dans ses yeux. Ses épaules se mirent à trembler. Aujourd’hui il ne pouvait plus lutter, il avait seulement envie de se laisser aller. Cependant ses pleurs restèrent silencieux. On entendait juste les gouttes d’eau salées s’écraser sur le tissu de son pantalon.

« Si tu savais à quel point je hais ce que je suis devenu Vincent…….Je…..je suis fatigué de lutter ainsi……j’aimerais juste une fois trouver la paix……par….pardon….je ne devrais pas dire ça….c’est injuste vis-à-vis de toi….et vis-à-vis de Morgan….je suis terriblement égoïste….pardon…. »

Sans dire un mot de plus, Orden se leva et se rendit dans la salle d’eau attenante. Là il se rinça le visage à l’eau froide et contempla un instant son reflet blafard dans le miroir. Face à lui-même, il tenta un vague sourire qui s’apparenta à une grimace. Un peu déconfit il revint dans la pièce, et glissa une main dans sa chevelure pour la dégager de son visage. Il n’avait pas le droit de se montrer si faible. Tout le monde souffrait dans cette histoire. Il ne pouvait pas être si égoïste, surtout qu’il bénéficiait de l’amour de Morgan. Et puis Vincent était le plus malheureux dans cette situation. Comment avait-il pu un seul instant sous entendre qu’il n’était pas heureux ?

Un vague sourire ourla ses lèvres alors qu’il revint s’asseoir sur le lit. Sa main d’albâtre s’étendit vers le visage du vampire, et il en caressa la joue, un air faussement serein peignant ses traits. Il agissait comme à chaque fois qu’il se sentait mal. Il souriait. Il faisait croire que tout allait bien même si maintenant il ne trompait personne, et surtout pas Vincent. Mais il ne pouvait faire autrement. Se montrer fort, et être le soutient de tous sans jamais montrer la moindre faille. C’est ainsi qu’il avait pu apaiser Morgan.

« Merci Vincent……mais…s’il te plais….ne dis pas à Morgan que je vais si mal……il a d’autres préoccupations pour l’instant et il ne doit pas s’encombrer avec mes états d’âmes. Pardon de t’avoir montré un tel spectacle, j’ignore ce qui m’a prit. Je regrette ce que j’ai dis…..Vous devez tous les deux gérer cette ville, et moi je me comporte comme un enfant capricieux. Ce que je peux être con parfois….. »

Un soupir qui se transforma en un léger rire. Lui il n’avait pas de responsabilité hormis celle de rester hors de portée de Isaac. Morgan dirigeait cette ville et Vincent l’aidait dans sa tâche. Il n’avait aucun droit de leur demander de l’aide pour des choses aussi futiles que son mal être. Ici c’était l’avenir de millier d’âmes qui était en jeu. Il se devait de s’effacer, être le plus discret possible pour ne gêner personne. Et écouter, lorsqu’on aurait besoin de se confier à lui.

[Vincent Lonenlill]

Vincent s'appliquait à soigner Orden avec application. Toutes ces cicatrices le mettaient mal à l'aise : comment le prêtre arrivait il à les supporter tout en sachant qu'elles étaient la preuve irréfutable de tout ce qu'il avait enduré durant ses deux années de détention? Et mis à part le temps, rien ne pourrait les effacer et surtout ses maigres facultés de guérisseur. Le jeune vampire avait entraperçu les souffrances intérieures de l'humain et il en était encore bouleversé. C'était si violent qu'il en avait encore mal à au crâne. Lui ne savait pas cacher ce qu'il ressentait et il n'aurait jamais pu taire sa douleur comme le faisait Orden depuis tout ce temps. Il l'aurait fait exploser quitte à tout bouleverser autour de lui.

Quand Orden se mit à pleurer, Vincent resta silencieux, gené d'être présent dans ce moment d'intimité. Il savait que pour un homme montrer ses larmes à un autre était souvent perçu comme un signe de faiblesse mais maintenant qu'il connaissait la souffrance du prêtre il savait que ces larmes étaient peut être le seul moyen d'évacuer un peu la douleur. Il le laissa aller à la salle de bain pour se rafraichir puis revenir se réinstaller près de lui. L'humain s'était recomposé un sourire de façade qui ne le trompait plus. Pourquoi Orden s'infligeait il une telle épreuve? La réponse était toute simple : à qui confier sa détresse? Orden ne voulait pas ennuyer Morgan mais ce n'était pas la solution.

Vincent soupira et regarda le jeune homme droit dans les yeux.

" Ecoute moi bien, Orden. Arrête de ménager Morgan constamment. Tu le surprotèges trop et je ne crois pas que ça soit vraiment bénéfique pour lui...et encore moins pour toi. J'aimerais jouer les salops et t'enfoncer un peu plus dans tes tourments pour le récupérer plus facilement mais je crois avoir compris que ça ne marche pas comme ça. Il t'aime et si ses sentiments sont aussi forts que ceux que tu éprouves pour lui il t'aidera à surmonter tes épreuves. Ne lui cache pas ce que tu ressens et n'en n'ai pas honte aussi. Tu te dévalorises trop. Nous ne sommes pas aussi exceptionnels que tu le penses tu sais?

Il lui offrit un sourire un peu dépité.

" En tous cas, avec moi tu peux être toi même. Je ne juge plus les gens depuis longtemps et tu n'as pas à te cacher pour me ménager."

Comment avait il pu haïr Orden au point de vouloir qu'il n'ait jamais existé? A présent qu'il le connaissait mieux, il s'en voulait d'avoir eu de telles pensées.

" Alors maintenant arrête de t'excuser parce que moi aussi j'aurais tellement de chose à confesser qu'on pourrait rester là jusqu'à la fin des temps. Si tu as envie de te défouler en pleurant, je suis un excellent mouchoir. Rien ne sortira d'ici, je te le promet" lui dit il sur un ton léger pour tenter de mettre à l'aise Orden.

Il tendit la main vers l'une des mèches sombres du jeune homme et la replaça derrière son oreille dans un geste tendre. Maintenant qu'il avait mis sa jalousie de côté Orden lui apparaissait comme le seul être au manoir à être digne de confiance et de véritable intérêt. Si le jeune vampire n'était pas si amer à cause de son amour à sens unique, il aurait été véritablement heureux d'avoir trouvé un ami. Mais là il ne réussissait qu'à se sentir un peu plus apaisé. C'était déjà ça.

[Orden Rosenkreutz]

Les prunelles du vampire qui se noyèrent dans son regard bleu, lui arrachèrent ce sourire de façade qu'il s'évertuait à garder depuis son retour. Et les paroles, néanmoins calmes de son cadet parachevèrent de lui ôter cette fausse sérénité. Vincent avait raison. Il ne pourrait pas se cacher éternellement. Un jour ou l'autre Morgan verrait bien à quel point Isaac l'avait marqué. Il verrait ce que ces deux années avaient laissé en lui. Cet être malfaisant avait brisé sa force, réduite en menus morceaux sa confiance. Comme si il n restait plus grand chose du Orden d'autrefois. Et c'était ce qu'il ne voulait pas montrer. Tant de fois il avait déçu son amant, il ne pouvait supporter de le faire à nouveau. La souffrance de Morgan avant la sienne, c'était ainsi qu'il voyait les choses. Et quand bien même Vincent lui disait qu'il pouvait, avec lui, se montrer tel qu'il était intérieurement, le prêtre était retenu par une certaine pudeur. Durant son existence, on lui avait toujours apprit à ne jamais montrer ses sentiments, les dissimuler pour mieux tromper, et dans le cas présent pour ne pas inquiéter.

C'était loin d'être la meilleur solution. Il pouvait même entendre la voix de Morgan lui reprocher de ne pas lui faire assez confiance. Mais c'était plus fort que lui. Il était attiré vers ce silence, comme le papillon de nuit vers la lumière.

La dernière réplique du vampire ourlant ses lèvres d'un léger sourire. Orden ferma les yeux alors qu'il replaçait une mèche de cheveux sombre derrière son oreille. Il ne pouvait nier avoir terriblement envie de se laisser aller, mais sa pudeur encore et toujours le retenait. Après tout ce temps, il lui était devenu presque impossible qu'il laisse un tel sentiment l'envahir. Avec Morgan il avait beaucoup pleuré, mais ses larmes avaient été dissimulée le plus souvent. Horrifié par sa propre réflexion, il se rendit compte à quel point il se cachait aux yeux de son amant. Comment réagirait-il lorsqu'il le saurait ? Le rejetterait-il ?

Terrifié à l'idée qu'une telle chose se produise, les épaules du prêtre se mirent à trembler imperceptiblement. Il ne voulait pas être abandonné. Il ne voulait pas revivre ces années de folie et de torture. C'était terriblement douloureux. Prenant une délicate inspiration pour retrouver un peu de calme, il prit la parole d'une voix douce, tout en fixa désespérément les draps.

" Tu sais, Morgan m'a toujours vu comme quelqu'un de fort. Avant que je ne disparaisse, j'étais son soutient. Je l'écoutais, je calmais ses peurs et sa douleur, quand bien même il me faisait du mal parfois, sans le vouloir. J'ai...j'ai peur de briser cette image, peur de lui montrer de quoi je suis fais à l'intérieur maintenant que Isaac m'a complètement détruit. Il a gardé en tête ce Orden qui jamais ne souffrait. Un Orden qui pourra difficilement revenir. Je ne veux pas qu'il s'éloigne de moi, mais je ne pourrais pas l'en empêcher. Jamais je ne lui en voudrais de détester celui que je suis devenu. "

Un pale sourire orna ses lèvres alors qu'il fixait à présent Vincent.

" Je ne t'en voudrais pas non plus de me haïr Vincent. Je ne sais pas vraiment ce que tu éprouve, mais je suis capable de comprendre. Tu souffre de cette amour à sens unique, et malheureusement je sais bien que je me présente comme un obstacle. "

Orden croisa ses doigts devant sa bouche et fixa le vide un instant avant de reprendre la parole.

" Je ne te remercie d'être là, à m'écouter. Tu n'y étais pas obligé, je comprendrais que tu veuille passer le moins de temps possible avec moi. C'est normal après tout.

Le prêtre se laissa retomber sur le lit et ferma les yeux. La pièce semblait tourner tout autour de lui. Un tourbillon de peine dans lequel il se perdait. Et il ne pu empêcher les larmes de noyer ses longs cils noirs. Tout d'abord il se retint pudiquement, mais la tristesse gonflait dans sa poitrine blanche. A tel point que l'eau roula sur ses joues sans qu'il ne puisse la retenir. Alors il se mit sur le côté et exposa son dos strié à Vincent. Se cacher, même si l'évidence était là. Cependant ses pleurs restèrent silencieux et la douleur lui sembla sans fin. Replié presque dans la position du foetus, il songea à sa rencontre dans l'hôpital avec Morgan, et cette pensée lui mit du baume au coeur. Au moins il avait vécu heureux avec son amant. Ils avaient eu des moments de paix, de joie, mais de peine également. Cependant autrefois l'avenir ne lui semblait pas tant fait de noirceur. Orden aurait donné n'importe quoi pour que Morgan le prenne dans ses bras et le berce. Cette tendresse lui manquait terriblement.

Mais après quelques minutes il ne pu supporter de montrer davantage sa faiblesse. Ses larmes se tarirent et il ouvrit lentement les yeux pour fixer le mur en face de lui. Puis il se redressa et se retourna pour fixer Vincent. D'un geste tendre il lui écarta une mèche de cheveux qui barrait ses beaux yeux. Un peu tristement, il lui offrit un sourire. Ce garçon avait ce petit quelques choses d'à part que peu de gens possédait ici bas. Il avait peut-être trouvé en ce monde un ami que Morgan ne chercherait pas à détruire.

" En effet, tu n'es pas un mauvais mouchoir. "

Lui dit-il avec humour.

Il hésita, puis posa cette question qui lui brûlait les lèvres depuis longtemps.

" Tu vas trouver ma question idiote, mais...quelle impression ça fait d'être un vampire ? "

C'était certes idiot comme question, mais Orden appréhendait toujours ce moment ou il serait "vivant" pour l'éternité. Morgan n'avait pas vraiment pu lui en parler de manière satisfaisante, d'autant que son amant avait incroyablement souffert durant sa vie d'immortel, et Vincent était sans doute le plus à même de le renseigner sur ce point.

[Vincent Lonenlill]

Il comprenait maintenant la raison profonde qui poussait Orden à cacher ce qu'il avait enduré à Morgan : il avait peur que son amant le rejette pour sa faiblesse. Dans l'esprit de Vincent s'était absurde mais pour l'humain qui avait tant souffert, voire le rejet dans les yeux de celui qu'il aimait devait être sa plus grande peur. Vincent, pour avoir constaté la manière dont Morgan couvait constamment Orden des yeux se doutait qu'il n'y avait aucun risque pour qu'il soit jamais dégouté de lui mais le prêtre était trop mal dans sa peau pour s'en rendre compte.

Il le vit se coucher sur le lit, dos à lui et il vit ses épaules trembler silencieusement. Il le laissa pleurer quelques instants, ne voulant pas troubler son intimité. Il pensait en même temps aux mots du jeune homme. Il n'avait pas vraiment de raison de le hair en fait.

Cette pensés sortit à voix haute par ses lèvres.

" Je ne te hais pas. Tu n'y es pour rien dans cette histoire. Avant que tu arrives, j'étais aveugle mais j'ai maintenant compris que j'étais pitoyable de croire que quelqu'un comme Morgan pourrait un jour m'aimer. "

Sa voix n'était même pas amère. C'était une constatation et même si elle le faisait souffrir, la formuler à voix haute le soulageait un peu.

"...en fait, j'aime bien parler avec toi" finit il avant de se lever et d'aller enfiler une chemise qu'il avait laissé sur le dossier d'un fauteuil.
Il revint s'assoir près du prêtre qui s'était retourné vers lui, les yeux encore un peu brillants mais secs. Il le laissa jouer un instant avec une mèche de ses cheveux et fut surpris par la question qui n'avait rien à voir avec la conversation qu'ils entretenaient.

Un peu pris au dépourvu il fixa un instant le jeune homme avec perplexité puis se laissa aller à sourire.

"Et bien...c'est...comment expliquer ça? Ca fait mal au début, on se voit mourir, le corps lutte désespérément pour survivre et pendant quelques secondes, je dois t'avouer que j'ai regretté d'avoir laissé Morgan me transformer. Et puis ensuite tout est différent. C'est dire à expliquer. Le monde est fondamentalement le même mais tu le vois différemment. L'obscurité est mois sombre, les sons plus distincts, les odeurs se font plus fortes. au début, ça donne le tournis puis on s'y habitue...tout est exacerbé, tout prend une telle amplitude que tout t'apparait possible. C'est grisant et je comprends que certains vampires perdent pieds devant ce sentiment de puissance."

Il se passa une main dans les cheveux.

" Mais ce qui est le plus déroutant c'est cette soif de sang qui te prends quand ton corps le réclame. Quand tu bois du sang c'est comme si tu te remettais un peu à vivre et tu prends vite gout au massacre si tu te laisses aller. C'est difficile parfois de résister à ce besoin. C'est encore plus pressant que du désir sexuel."

Il cessa de parler quelques instants, l'air songeur puis reprit d'un ton pensif.

"Je n'ai pas réfléchi quand Morgan m'a proposé de le rejoindre. Je ne voyais que lui et j'étais déjà perdu. En fait, je n'ai pas vraiment eu le choix. Il me voulait et il m'a eu, face à lui je n'avais aucune chance."

Il se tourna à nouveau vers Orden et lui tendit un sourire doux et triste.

"Je sais qu'il veux que tu sois à ses côtés, alors prends ta décision par toi même, ne te laisse pas trop mener par l'emprise qu'il peut avoir sur toi. Si tu décides de nous rejoindre tu dois le faire pour toi, pour personne d'autre."

Son regard dériva sur son paquet de cigarette laissé sur la table de nuit. Il l'attrapa ainsi que le briquet qui l'accompagnait et les tendit à Orden.

"Tu peux en fumer une pour moi? Si tu savais comme j'aimerais bien m'en griller une de temps en temps..." lui dit il dans un petit sourire un peu gauche. "Morgan dit que je dois me débarrasser de cette vieille manie humaine mais puisqu'il n'est pas là et que de toute façon j'ai décidé de lui faire un peu la gueule, je crois que je vais me laisser tenter."

Puis il avisa le dos nu du jeune homme et se saisit de son peignoir avant de lui déposer sur les épaules.

"Fait froid ici."

Avec Morgan, Vincent ne pouvait pas être tendre. Le vampire prenait peu à la moindre marque de tendresse que pouvait lui témoignait son compagnon mais avec Orden, il sentait qu'il pouvait un peu plus renouer avec ce qu'il avait été avant la prison, avant ce meurtre qui l'avait damné à jamais.

[Orden Rosenkreutz]

Orden lança un regard étonné à Vincent alors qu'il lui avouait ne pas le haïr tout en lui glissant subtilement le fait qu'il y avait peu d'espoir pour que Morgan l'aime un jour. Cette aveu attristant plus que de raison le prêtre, dont le regard se perdit au loin. La tristesse gonflait sa poitrine. Il aurait tant voulu pouvoir faire quelque chose pour lui, et à cet instant il songea qu'il aurait peut-être dû se laisser mourir au lieu de revenir. Son amant ne l'aurait pas oublié, mais au moins il l'aurait haït pour l'éternité et peut-être qu'un jour Vincent aurait trouvé le chemin de son coeur. Malheureusement telle que les choses étaient, il ne pouvait absolument rien faire. Tout dépendait de Morgan. Il n'y avait que lui pour prendre une telle décision, et le prêtre désespérait de ne voir personne heureux dans cette histoire. Son amant devait avoir probablement conscience des sentiments que le jeune vampire avait pour lui. Cependant on se rend compte de ceux à qui on tient seulement lorsqu'on les a perdu. Orden ne lui souhaitait pas, mais Vincent partirait peut-être un jour, déçu de ne pas avoir été satisfait.

"...en fait, j'aime bien parler avec toi. "

[i] Le prêtre fut arraché de ses pensées à cette phrase qui le surprit. Lui aussi il aimait bien discuter avec lui. Parce qu'il trouvait dans le vampire quelqu'un digne de confiance qui ne le trahirait jamais. Quelqu'un avec qui il pouvait parler de ce qu'il ressentait sans avoir peur de montrer ce qui le rongeait. Et plus encore Vincent était quelqu'un de véritablement agréable à écouter. Il le regarda se lever et remettre négligemment sa chemise. Orden le détailla presque pour la première fois. Un corps puissant, tout autant que Morgan. Un torse large, des muscles fins qui sculptaient à merveilles son corps. Un visage presque émacié, rehaussé d'une barbe naissante. Ses cheveux sombres balayant son visage. Il était beau il ne pouvait le nier. Une beauté masculine sans aucun défaut, aucune faiblesse décelable. Vincent avait ce petite quelque chose de rassurant, ce charisme qui mettait en confiance malgré quelques maladresses parfois.

Attentif il l'écouta parler de l'immortalité, des changements qui survenaient, le corps qui mourrait, puis les sens qui s'éveillaient, grisant, merveilleux. Mais également ce à quoi ils étaient tous condamnés. Tuer pour survivre, une vie pour une vie. Et cette soif, Orden la connaissait. Lorsqu'il ferma quelques secondes les yeux, il sentit cette atroce envie l'envahir à nouveau. Mais également la satisfaction d'ôter la vie, la puissance, la bestialité, la survie animale qu'entraînait cette immortalité. Le prêtre n'eut pas besoin de dire ce qu'il ressentait pour le faire comprendre à Vincent. Après tout il avait vu ce qui se cachait en lui, il l'avait vu tuer cette servante, il savait et pour un humain la souffrance était pire. Il était un être contre nature. Une monstruosité plus étrange encore que les vampires. A jamais restait gravé en lui le regard de Morgan lorsqu'il l'avait revu. " Qu'es-tu devenu ? " Ce simple souvenir lui arracha une plainte silencieuse. Même son amant l'avait trouvé répugnant, qu'est ce qui lui prouvait qu'il ne le trouvait pas encore. Isaac avait non seulement gravé dans sa chair son image, mais également son odeur.

" Il me voulait il m'a eu."

Orden lança un regard compatissant à Vincent. Morgan avait toujours été ainsi. Il ne supportait pas qu'on lui résiste, et si le jeune vampire l'avait fait, son amant l'aurait quand même transformé. Il lui semblait parfois qu'il était prit de folie, provoquée par la détresse de l'instant. Combien de fois les choses avait-elle faillie virer au drame ? Mais celà ne m'empêchait pas de l'aimer profondément, ses défauts étaient sans doute ce qu'il avait de plus attachant, sauf bien sûr l'être froid et sanguinaire qui sommeillait en lui. Le prêtre espérait de tout coeur avoir chassé très loin cet être submergé par la détresse.

Et puis Vincent lui tendit un paquet de clopes. Il le regarda tout d'abord étonné par la demande soudaine, puis lui sourit. Délicatement il se saisit de ce petit bout de mort et l'alluma avant d'inspirer la fumée salvatrice. Fumer avait pour lui quelques choses de réconfortant, mais ce goût lui rappelait également ce soir où Isaac l'avait enlevé. Cependant il n'en dit rien et se contenta de fumer alors que le brun lui posait son peignoir sur les épaules. Orden le détailla une nouvelle fois.

" Je ne vois pas en quoi c'est un mal de fumer, d'autant que toi tu ne risque pas le cancer, prends-en Morgan n'en saura rien. "

Le prêtre lui offrit un sourire chaleureux tout en lui tendant le petit objet. Bien sûr il ne releva pas le fait que Vincent avait l'intention de faire la gueule à Morgan. Ca l'attristait, mais il ne pouvait rien faire. Orden craignait que Vincent ne se sente seul. Lui, même si il était profondément meurtri, il avait son amant pour le soutenir. Mais que restait-il au jeune vampire mis à part les restes de cette amour. Lui il était seul face à la vie, et cette tendresse qu'il lui manifestait le touchait profondément.

Les minutes s'égrainèrent, lente, silencieuse. Orden réfléchissait blottit dans le peignoir de Vincent. Il tira une latte de sa clope, fixa la pluie qui battait avec force contre les carreaux. Il n'arrivait pas à chasser cette mélancolie naissante, cette résignation face à son état et son avenir.

" Nous sommes tous damnés. " Lâcha t-il sans plus de formes.

" Mais bizarrement c'est les circonstances de la vie qui nous poussent à l'être. C'est si injuste, j'ai parfois l'impression que le malheur nous suit, et que jamais nous ne pourrons aspirer à une vie calme. Enfin une vie, une immortalité calme. J'ai peur de l'avenir Vincent, peur de vous rejoindre. J'ai peur qu'un jour Morgan s'éloigne. Sans doute le fera t-il, et dans quelques siècles nous prendrons des chemins différents pour nous recroiser quelques siècles plus tard et nous affronter pour finalement mourir. Bien entendu je ne devrais pas spéculer ainsi sur notre futur, mais je n'arrive pas à m'en empêcher, et je réalise que je gâche le moment présent au lieu d'en profiter. "

Une réflexion à voix haute. Voilà ce qu'avait été ce long discours. Orden pensait le moindre mot de ce qu'il venait de dire. Il ne vivait plus dans le présent depuis longtemps, en vérité, il ne vivait plus du tout, et cette souffrance était lourde à porter. Se laissant tomber sur le lit, il se tourna vers Vincent cette fois et contempla les coutures blanches de son jean.

" Je suis un monstre et je ne peux rien y faire. Tu m'as vu ôter la vie à cette servante. Tu as lu en moi, tu as donc vu ce qui m'habite. J'ai presque peur de ce que je suis devenu. Et au delà de ça, je cherche à m'évader en essayant vainement de vous aider. "

Le prêtre sentait l'incohérence le gagner. Ses propos lui semblaient même confus. Imperceptiblement, il se rapprocha du jeune vampire, et resta ainsi allongé à quelques centimètres de son corps. Cette proximité, même sans contact l'aider à retrouver un peu de calme. Lentement ses paupières se fermèrent, et dans le noir il trouva la force nécessaire pour se calmer. La cigarette qu'il tenait entre ses bras blanc finie de se consumer, puis il la laissa glisser au sol, non sans s'excuser mollement de salir le parquet de la chambre.

" Vincent...parles-moi encore de toi. J'aimerais te connaître davantage, oui vraiment. J'aime ton côté lame à double tranchant. Et j'espère qu'un jour tu auras l'amour que tu mérite de recevoir......"

Orden se sentait un peu idiot de dire de telle chose, mais parler si ouvertement lui faisait du bien. Malheureusement il n'avait pas eu beaucoup de dialogue entre lui et Morgan. L'acte, voilà par quoi passait leurs malheurs et leurs joies. Avec Vincent c'était différent. Comme un ami....oui c'était ça, un ami....

[Vincent Lonenlill]

Vincent regarda Orden allumer sa cigarette puis la porter à ses lèvres avant d'exhaler un petit nuage de fumée odorante et épicée. Le jeune vampire ferma les yeux, profitant de l'odeur. La cigarette était réellement une drogue et jamais Vincent n'en avait été plus conscient. Autrefois sa femme disait qu'il crèverait d'un cancer...une autre chose où elle avait eu tort.
Il ouvrit les yeux pour regarder le prêtre qui semblait prendre plaisir à fumer. Sans doute lui aussi ne l'avait pas fait depuis longtemps. Vincent trouvait la situation un peu surréaliste mais il se sentait étrangement apaisé, comme si sa rancœur contre l'humain avait disparu de son cœur, le soulageant d'un énorme poids. Certes, il ne savait pas si il pourrait réprimer ses élans de jalousie lorsqu'il le verrait avec Morgan mais pour l'instant, il appréciait la compagnie du jeune homme.
Quand Orden lui tendit une cigarette, il hésita un instant avant de la saisir. Il avait raison. Morgan ne saurait rien et puis de toute façon, il était bien trop fâché contre lui pour prendre ses conseils en considération. Il l'alluma et exhala une bouffée. C'était étrange. La fumée n'avait pas le même goût...ou alors c'était lui qui ne pouvait plus en apprécier toutes les subtilités.

"C'est étrange...j'ai plus de sensations en respirant celle que tu fumes que celle que j'ai dans la bouche. C'est comme de la cendre." dit il dans un souffle avant d'en écraser le bout incandescent entre son pouce et son index et de poser les restes sur la table de nuit. "C'est comme pour la nourriture. Tout a un gout écœurant à présent."

Ils restèrent ensuite silencieux quelques instants. Orden regardait la pluie battre le carreau et Vincent le regardait fumer, immobile comme une statue de pierre.

Orden lui avoua enfin ses peurs et ses doutes. Vincent était surpris qu'il lui parle ainsi à cœur ouvert. Il lui dévoilait ses faiblesses et le vampire était conscient qu'il pourrait en profiter. C'était une marque de confiance dont il n'avait jamais été l'objet. A cet instant, Orden lui donnait ce qe jamais personne ne lui avait donné.

Il ne put lui répondre aussitôt. Que dire face à cette détresse intérieure? Du réconfort? Il était nul pour ça. Le serrer contre lui? Ils en seraient gênés l'un comme l'autre. Il le regarda s'allonger près de lui et s'excuser du fait que sa cigarette avait finie sur le sol avant de lui demander de parler à nouveau de lui.

Vincent demeura silencieux encore un moment, cherchant ce qu'il pouvait dire à Orden sur lui même. Il ne parlait jamais de son passé. Même Morgan n'en connaissait que le strict minimum. De toute façon son amant lui répétait toujours qu'il ne fallait pas regarder derrière lui. Et pourtant, Orden lui demandait de revivre ce passé. Il en avait peur.

"J'ai peur de parler." dit il au bout d'un moment, l'angoisse dans la voix. " Tu dis que tu es un monstre mais la seule faute que tu ais commise c'est d'avoir été imprudent et de t'être laissé enlever par Isaac. Etre un monstre, c'est avoir le choix et de faire le mauvais en toute conscience. Je ne parle jamais des choses horribles que j'ai faites parce qu'en me taisant, c'est un peu comme si ce cauchemar n'avait jamais existé. Tout le monde m'a traité de monstre. Je n'ai plus jamais été qu'un meurtrier et j'ai peur que tu me voies ensuite de la même façon."

Il se tourna brusquement vers Orden, lui saisissant fermement le bras.

"Jure moi que si je te parle de moi, de ce que j'ai pu faire, tu ne me jugeras pas. J'en ai marre d'être jugé. J'ai eu mon compte."

Il avait très envie de parler enfin à quelqu'un mais en même temps il était mort de trouille.

[Orden Rosenkreutz]

Orden était perdu dans ses pensées. Devenir un vampire, ne plus jamais voir la mort en face, renié par elle pour les siècles à venir. Et finalement ne rien avoir d'humain que ce corps qui ne vieillirait jamais. Le prêtre avait peur de cette immortalité, il avait peur de sombrer dans la folie en acceptant ce "don". Comme Morgan avant qu'il ne vive avec lui. Il le revoyait, cette folie meurtrière ancrée au plus profond de son regard d'azur. Cette joie qu'il éprouvait en faisant souffrir les autres. Mais une simple illusion au final. Son amant n'avait jamais été heureux. Et c'était non sans une certaine mélancolie qu'il repensait à leur rencontre dans cet hôpital deux ans plus tôt.

Le passé, toujours le passé, encore le passé. Morgan avait beau dire, c'était mieux le chasser pour se le reprendre en pleine figure. Pour ces êtres qui n'avaient plus le choix d'une vie mais de plusieurs, il ne restait guère que le passé à regretter. Le passé et ces époques qui ne reviendraient plus. Êtres immuables à tout jamais, écho d'un temps qui n'existe plus, jusqu'à ne plus s'en souvenir.

C'était le cas pour son amant, " si vieux que je ne me souviens plus de qui j'ai été " avait été ses mots. Est-ce qu'il vivrait ça lui aussi ? Est-ce qu'il oublierait ? Non, c'était impossible, parce qu'il avait juré un amour éternel au vampire et que Morgan avait toujours été présent dans ses souvenirs les plus lointains. Derrière ses yeux clos il sentait sa présence. Il le voulait à ses côtés, il voulait qu'il le prenne dans ses bras et lui murmure mille mots d'amour. Vivre sans lui, c'était comme suffoquer. Ses mains sur lui, son souffle, ses lèvres, à jamais le vampire avait marqué sa chair, et inconsciemment il vint caresser son cou à l'endroit ou autrefois il avait planté ses crocs.

Dans ce silence presque pesant, Orden attendait que Vincent s'ouvre ou non à lui. Juste une réponse, un mot. Il ne pourrait le contrarier parce qu'il n'en avait pas la force, si jamais il ne souhaitait pas parler de lui. Alors il attendit, fermant les yeux au son de cette pluie qui le berçait. Et le jeune vampire prit enfin la parole. Sans dire un mot il le laissa parler. Et dans le peu qu'il lui avoua, Orden comprit la souffrance de cet homme. Le rejet auquel il avait eu droit. Il comprit sa réticence à s'ouvrir à lui. Quoi de plus normal, mais le prêtre comprenait cette attitude plus que n'importe qui.

C'est alors que Vincent le saisit fermement par le bras. Croisant son regard il attendit quelques instants avant de réagir. Il ne se défit pas de son contact. Quelque part il avait l'impression de retrouver ce Orden bienveillant qu'il avait toujours été. Et rien que pour éprouver de nouveau cette sensation, il souhaitait remercier le jeune vampire. Lentement il avança sa main vers son visage et en caressa la joue. Son regard se fit doux. Il éprouvait de nouveau cette sensation de calme, exactement comme face à Morgan dans cet hôpital sordide.

" Vincent....." Appela t-il doucement.

" Je suis tombé amoureux d'un être qui se qualifiait et se qualifie encore de monstrueux. J'ai tué en toute conscience bien plus de fois que tu ne peux l'imaginer. Je sais ce que la vie peut être, je sais jusqu'où elle peut nous conduire. Je ne te jugerai pas, parce que dans nos situations c'est inutile. Tu es a mes yeux, bien plus que ce que tu veux montrer, et jamais je ne porterai un jugement sur ce que tu as fais. On est toujours plus que nos actes. Alors n'ai crainte. Je veux simplement apprendre ton histoire pour mieux te connaître. "

Ses lèvres s'ourlèrent d'un tendre sourire. Chasser sa propre douleur le plus loin possible. Entendre celle d'un autre. Vivre au détriment de soit. C'est ainsi qu'il avait toujours été. Soigner les plaies de Morgan et maintenant celles de Vincent. C'était tout ce qui lui restait pour ne pas sombrer dans la folie. Pour retrouver ce qu'il avait perdu avec Isaac. Un semblant d'équilibre. Alors il attendit que le jeune vampire prenne la parole et lui confit ce que sans doute Morgan n'avait jamais entendu.

[Vincent Lonenlill]

Vincent avait peur de parler. Jamais il n'avait mis de mots sur ce qu'il avait fait. Au juge il n'avait offert qu'un silence buté, en prison il n'avait rien dit aux curieux, même Morgan ne savait pas grand chose. Il sentait qu'avec Orden il pouvait se permettre enfin de parler mais cela n'enlevait pas l'angoisse d'avoir à revivre ce jour affreux où sa vie avait basculé.
Les paroles d'Orden, bien que réconfortantes et encourageantes, n'arrivaient pas ôter cette peur. Une main chaude se posa sur sa joue et il fuit le regard tendre d'Orden en se redressant en tailleur, mal à l'aise de cette nouvelle promiscuité. Dans les yeux du jeune homme, il se sentait exister enfin un peu et il n'avait pas l'habitude de ce genre d'attentions.

" C'est dur de revivre ça...j'ai essayé d'oublier et je croyais qu'en devenant un vampire, ce que j'avais fait de mon vivant ne serait que du passé. C'est raté."

Il se saisit machinalement du paquet de cigarettes sur la table de nuit, puis le reposa avec nervosité avant de se passer la main dans les cheveux.

" J'ai été marié. Elle était jeune, jolie et elle voulait des enfants. Moi je ne pouvais pas en avoir...elle m'a assuré que ce n'était pas grave et qu'il nous suffisait d'adopter mais je crois que c'est de là que nous avons commencé à nous....enfin, c'était plutôt elle qui s'éloignait. Moi je me cachais la vérité et j'imaginais que tout allait bien...j'étais très confiant dans notre démarche d'adoption, je croyais que tout irait bien, que nous serions heureux...tu vois, j'ai toujours voulu quelque chose de simple : un foyer, une femme, des enfants...foutaises..."

Les souvenirs remontaient en lui par flots, des souvenirs qu'il avait du mal à supporter.

" Un soir, je suis rentré plus tôt du travail...j'étais content parce que j'avais de bonnes nouvelles à lui annoncer à propos de l'adoption...et quand je suis entré, je l'ai surprise avec mon frère...tout le beau vernis que j'avais posé sur notre vis s'est fendillé à cet instant et je suis devenu dingue. Dans ma tête, tout était de sa faute à lui. J'ai attrapé ce qui me tombait sous la main...j'ai frappé, frappé, frappé...il y avait du sang partout...elle hurlait..moi aussi...après...je sais plus...jusqu'à ma rencontre avec Morgan, ma vie n'a été qu'une parenthèse..."

Un moment de silence s'installa puis il reprit dans un souffle :

" Je donnerais n'importe quoi pour oublier...n'importe quoi..."

Il n'osait pas se retourner vers le prêtre.

" Me donnez vous l'absolution, mon père?" railla t'il sans conviction.

[Orden Rosenkreutz]

Orden s'attrista quelque peu lorsque Vincent se redressa pour fuir son regard et cette promiscuité naissante entre eux. Cependant il ne chercha pas à le brusquer, ni à retrouver son regard. Les paroles du jeune vampire lui confirmèrent ce qu'il pensait. Le passé était dur à revivre. Mais personne ne pouvait échapper à cette douleur, à cette réalité. Isaac en était l'exemple vivant. Ce vampire qui faisait parti du passé de Morgan, vivait aujourd'hui dans le seul but de le détruire. Morgan....

Ses pensées s'éloignèrent un instant. Lui-même ne connaissait pas grand chose sur le passé de son amant. Il savait à propos de Hans, ce vampire qu'il avait pourchassé durant des siècles dans le but de le faire sien. Il avait bien sûr discuté longuement de ces longs siècles d'errance et de massacre, cependant, jamais il n'avait pu apprendre quoique ce soit sur son passé de mortel. Son amant se justifiait toujours en lui disant qu'il était si vieux qu'il ne s'en rappelait pas. Finalement il avait l'impression de si mal le connaître. Il l'aimait, là n'était pas le propos, mais il existait encore des zones d'ombres que sans doute il ne découvrirait jamais. Quelque part c'était triste, mais si il décidait de passer l'éternité avec lui, il aurait plus de temps qu'il ne lui faudrait pour apprendre.

Vincent prit alors la parole.

Le prêtre l'écouta parler. Sa femme, sa vie, des enfants qu'il ne pourrait avoir. Une vie simple. Avec ironie il songea qu'avec Morgan il était loin d'avoir une situation simple. C'est alors qu'il remarqua cette expression si particulière sur le visage du brun. Il souffrait, c'était indéniable. Les souvenirs devaient être insupportables, et Orden fut prit de l'envie de le stopper dans sa démarche. Il n'en eu cependant pas l'occasion car les premiers mots du sombre secret furent prononcés. Son coeur se serra à mesure que le récit fut vomit sans plus de fioritures. Sans difficultés il imagina la scène. Vincent entrant dans cette pièce, les visages inconnus de son frère et de sa femme, le sang qui coulait sur le sol. C'était horrible, mais surtout très triste. Vincent n'avait pu avoir la vie paisible qu'il voulait, et pire, alors qu'il croyait pouvoir gagner le coeur de Morgan, il c'était de nouveau fait prendre sa place par un autre.

Comment pouvait-il supporter d'être avec lui sans lui mettre son poing dans la figure ?

Et puis cette phrase unique et incroyablement douloureuse. Oublier. Oublier la douleur, oublier, d'exister, d'aimer. Le jeune vampire lui était incroyablement semblable. Ils n'avaient certes pas le même passé, mais cette douleur, cette impression qu'à chaque instant on allait se noyer, l'envie de mourir....
Bien qu'il avait chassé cette idée morbide, il n'en oubliait pas moins ses tendances suicidaires et la souffrance qu'il avait infligé à Morgan en agissant ainsi. Dans cette histoire personne ne s'aidait vraiment et chacun vivait avec sa souffrance en la cachant à l'autre pour ne pas blesser, pour ne pas inquiéter. C'était une voie sans issue.

A la dernière réplique de Vincent, Orden ne dit rien, et se contenta de fixer le vide. Après quelques instants il se leva et glissa ses doigts dans la chevelure de l'immortel avant de se diriger vers la fenêtre. Mélancolie, tristesse, c'était ce que lui inspirait la pluie qui battait contre le carreau. Posant son front contre la vitre il ferma les yeux en proie à d'innombrables démons. Cependant il eu conscience que son silence et son attitude devait probablement blesser Vincent, alors il prit la parole avant qu'il n'interprète son comportement.

" Tu es pardonné Vincent. La victime dans cette histoire c'est toi, et personne d'autre. La vie nous amène parfois vers l'Enfer, cependant, avec le temps tu oublieras ton passé de mortel. Je comprends mieux ce que Morgan représente pour toi, et même si je me répète, je suis sincèrement désolé d'être une entrave à ton bonheur. Je t'aiderais du mieux que je peux, je ne veux pas que tu souffre. Mais....."

Le prêtre prit une inspiration et se lança.

" Mais peut-être qu'un jour je ne serai qu'un lointain souvenir, peut-être qu'un jour Morgan m'oubliera, et moi j'errerai dans ce monde à la poursuite d'un bonheur perdu. J'ai...j'ai peur de devenir un vampire tout simplement parce que je crains de devenir différent, que la marque de Isaac soit plus profonde que je ne le crois. J'ai peur de vous faire souffrir tous les deux. "

A cette dernière phrase, la douleur le submergea complètement, et le peu de ce qu'il avait retrouvé de son ancien lui disparu presque aussitôt. C'était-il à ce point fourvoyé sur lui-même et sur ce qu'il était devenu ? Le prêtre devina que plus jamais il ne serait le même, et probablement que Morgan finirait par le détester pour ça. Machinalement il alla toucher les marques de doigts à son cou. Orden voulait le voir, se serrer dans ses bras, sentir son amour l'envelopper. Oublier ce qui c'était passé. Terrassé par la violence de ses sentiments, il se laissa tomber à genoux, le regard vague, la tête légèrement appuyée contre le mur. Le bruit de la pluie lui devint insupportable. Le vase était plein, un trop plein de douleur de sentiments et de secrets.

Orden leva les yeux vers Vincent et le fixa longuement. Un sourire triste ourla ses lèvres au bout d'un moment.

"J'aimerais te faire une confidence Vincent..........Je crois que mon corps ne tiendra plus très longtemps. Isaac à fait en sorte de m'affaiblir et même si je n'en ai pas l'air, je sais que je suis en train de mourir. Je ne suis plus ce Orden qui autrefois pouvait rivaliser en force avec Morgan. La douleur est insupportable et je ne pourrais bientôt plus lutter contre elle. Je sens ce néant qui m'attire lentement à lui. Chaque jour qui passe je perd en force et en vigueur, ma santé mentale se dégrade. Je ne suis qu'un être humain, et je crois avoir atteint ma limite. Je ne l'ai pas encore dit à Morgan, mais à ce rythme là, il doit me rester au mieux quelques mois. Tu sais de quoi je parle puisque tu as lu en moi....."

C'était vrai, ce qu'il venait de dire était vrai. Le fleuve de son existence se tarissait lentement. La fatigue physique et mentale s'aggravaient chaque jour un peu plus. C'était la raison de son retour à New York. Voir une dernière fois son amour avant de disparaître dans les plus misérables conditions. Depuis qu'il avait échappé à Isaac il avait eu parfaitement conscience du peu de temps qui lui était encore possible de vivre. Mais lorsqu'il avait vu Morgan, lorsqu'il avait fait l'amour avec lui, il n'avait pu se résoudre à le quitter. Alors il n'avait rien dit. Le choix était proche. Bientôt il devrait décider si oui ou non il voulait devenir immortel, et la perspective l'effrayait.

" J'ai peur Vincent. " Dit-il dans un souffle.

Son regard disparu derrière ses paupières closes. Cette situation était absurde. Plus rien n'avait de sens, et les souvenirs remontaient en lui comme une vague destructrice. Son arrivée, sa tentative de suicide, Vincent, le cimetière, le salon dévasté, la jeune servante assassinée. Orden eu un hoquet de douleur et du se résoudre à ouvrir les yeux pour échapper à ces terribles visions.

La pluie battait avec violence le carreau....c'était insupportable.....

[Vincent Lonenlill]

De manière étrange, Vincent se sentait mieux à présent qu'il avait parlé. Orden avait laissé depuis longtemps sans doute ses activités de prêtre mais lui avoir avoué sa honte la plus secrète avait été comme faire une confession à l'homme d'église qu'il avait été jadis. Quand Orden lui dit qu'il lui accordait, il prit ces simples mots non comme une absolution mais plutôt comme l'acceptation du crime qu'il avait commis. Il avait réussi à mettre des mots sur ce qui lui pesait sur le cœur depuis des années et c'était un véritable soulagement.
Avec le temps, il oublierait peut être tout ça mais pour l'instant, il devrait vivre avec. En avoir parlé était déjà un pas vers l'acceptation. A présent, il était soulagé d'avoir osé se confier au jeune homme.

Celui ci avait l'air sincère quand il lui dit qu'il regrettait sincèrement d'être un obstacle entre Morgan et lui. Maintenant Vincent n'en était pas si sûr.

" Tu sais, je crois que le plus gros obstacle c'est Morgan lui même. Il est tellement complexe que je doute que lui même se connaisse vraiment bien. Dans ces conditions, comment pourrait il s'ouvrir à d'autres? Toi tu as réussi mais je ne suis pas toi et je n'ai ni ta psychologie ni ton sens de l'écoute. Avec Morgan, ça a toujours été conflictuel, j'ai mis sur ton dos toutes les frustrations que j'endure depuis des mois, c'est tout."

Il le regarda un instant. Le jeune homme avait fermé les yeux, le front posé contre la vitre. Il avait l'air harassé de fatigue.

" Si tu deviens un vampire, tu seras forcément différent et c'est vrai que c'est facile de tomber dans le piège de l'immortalité. Tu te sens fort, invulnérable, ça a tendance à te monter à la tête...mais tu auras toujours le choix de tes actes. Quant à la soif du sang, il semblerait que tu l'ais déjà. Je ne sais pas comment Isaac te l'a donné mais quand tu seras des nôtres, tu l'auras encore. Il te faudra faire avec."

Il ne cherchait pas à rassurer Orden en lui faisant un tableau idyllique de l'éternité mais il trouvait plus honnête de lui donner un aperçu le plus proche possible de ce qui l'attendait.
Soudain il grimaça, l'esprit assailli par la douleur violente que ressentit Orden et il dut fermer les yeux quelques instants sous la violence de l'impact. La mort, l'amour, le désespoir et la souffrance se mêlaient étroitement en Orden, à un tel degré d'intensité que Vincent en avait des vertiges.
Un peu sonné, il se leva et vint s'agenouiller face à Orden qui s'était effondré au sol, la tête contre le mur.
Il posa une main sur l'épaule du prêtre et il put ressentir la lassitude et la fatigue extrême du jeune homme.

"Dis le à Morgan. Il y a assez de secrets ici. On garde tous nos problèmes pour éviter de faire de la peine à l'autre et regarde où ça nous mène. Il t'aime, il ne te laissera pas mourir et il te fera son compagnon. Ta place est avec lui alors ne te pose plus de questions et va le rejoindre. Il prendra soin de toi, il te redonnera la vie. Jamais je ne l'ai vu tenir autant à quelqu'un alors va le retrouver et mets fin à tes souffrances mortelles. "

Il se releva et s'alluma une cigarette avant de retourner s'assoir sur le lit.

" Ça serait con qu'on soit tous obligés de souffrir alors dégage d'ici et cours le supplier de te transformer. T'occupes pas de moi et fais en sorte de rendre heureux ce petit con." lui dit il dans un sourire un peu crispé avant de retourner à son bureau. Il avait un projet de loi à terminer. Ça lui en coûtait énormément d'envoyer Orden dans les bras de Morgan mais que pouvait il faire d'autre? Orden était un type bien et il méritait un peu de bonheur. Il n'avait pas le droit de le lui refuser. Quant à Morgan, il savait d'ores et déjà qu'il l'avait perdu le jour où Orden était revenu.
Les mains un peu tremblantes, il se remit à son travail, essayant d'ignorer la douleur sourde qui lui rongeait les entrailles. Il voulait qu'Orden s'en aille maintenant, il voulait être seul.

[Orden Rosenkreutz]

L'obstacle c'était Morgan...

Lorsque Vincent avait lâché cette simple phrase Orden l'avait fixé, interdit. Mais dans un sens, il avait parfaitement raison. Depuis toujours c'était son amant qui mettait les barrières sur ses sentiments. Lui-même au début avait du en forcer quelques unes pour découvrir ce qu'il lui cachait. Et lorsque le jeune vampire lui avoua qu'il n'avait ni sa psychologie, ni son sens de l'écoute, le prêtre ne pu s'empêcher de ressentir une vive tristesse pour le brun. Avec ce qui lui avait confié, il constatait qu'aucune harmonie n'avait jalonné son existence. Sans doute avait-il souhaité plus que tout pouvoir mener une existence ou aucun obstacle ne viendrait détruire son amour. Et la encore il ne l'avait pas eu. Orden sentait bien que Vincent était profondément blessé, il savait aussi qu'il en était en partie la cause.

Morgan avait sans doute du se montrer imbuvable, comme il savait si bien le faire parfois.

Un vampire...

Le prêtre remercia d'un bref regard le brun pour ce tableau réaliste qu'il lui peint de l'immortalité. Il préférait de loin l'absolue vérité au mensonge. Il tiqua néanmoins lorsqu'il mentionna Isaac. Il n'en avait parlé qu'à Morgan, et seulement en partie. Il ne voulait pas donner à Vincent de nouvelle souffrance à cause de son empathie. Chaque fois qu'il y songeait, le prêtre devenait anxieux. Il revoyait cette jeune fille qu'il avait assassiné de sang froid. Ce goût du sang, du massacre, de la folie, c'était ce qu'il craignait le plus en devenant un vampire. Il ne voulait pas devenir un monstre, ce monstre que Morgan avait été durant des siècles de souffrances. Le prêtre avait parfaitement conscience de la vie qu'il devrait mener si il choisissait l'immortalité.

Sans relever la tête, il entendit le bruissement du vêtement de Vincent, puis sa présence devant lui. Sa main sur son épaule. Faiblement il releva la tête pour croiser son regard. Sa main était froide, sa douleur sans bornes. Ce qu'il entendit le laissa pantois. Jamais il n'aurait imaginé que le jeune vampire lui dise d'aller retrouver Morgan. Il avait connaissance des sentiments qu'il nourrissait, et pourtant il l'envoyait vers lui, avec une conviction telle qu'il n'aurait pu refuser. Mais la peur régnait dans son âme. Il avait besoin de réfléchir, besoin de se retrouver seul avant de décider de quitter son existence mortelle.

L'odeur de la cigarette.

Orden poussa un profond soupir. Vincent le chassait. Il savait qu'il souffrait, il savait que ce geste lui coûtait, et qu'ainsi il réduisait quasi à néant ses chances avec Morgan. Mais il le faisait. Le prêtre resta quelques minutes immobile. Le brun alla s'asseoir à son bureau, et son silence lui indiqua qu'il souhaitait être seul à présent.

Prenant appui sur le mur, il se redressa comme il pu les jambes un peu tremblantes. S'approchant du lit, il se saisit de sa chemise et la remit correctement avant de son tourner vers Vincent. Il fixa son dos, ne sachant quoi faire véritablement. Son corps ne lui permettrait pas de vivre bien longtemps, mais si il cachait encore son état à Morgan, il mourrait très probablement sans qu'il ne puisse rien faire. Cependant, si il disparaissait, Vincent serait libre de gagner le coeur de son amant. Morgan finirait par l'oublier, et il ne serait qu'un lointain souvenir. Mais cette solution, c'était fuir encore une fois. Orden avait peur, cependant il ne voulait plus fuir. Seulement réfléchir.

" Vincent...." Appela t-il d'un ton doux.

" Je ferais tout pour te rendre heureux, c'est une promesse."

Et sans dire un mot de plus, le prêtre sortit de la pièce. Il était sincère, il ne pourrait avoir l'esprit tranquille que si Vincent trouvait également le bonheur. Le brun était en quelque sorte devenu un ami, un confident. Le soutenir devenait un devoir. Jamais il ne le laisserait, c'était un promesse, et d'une quelconque manière, il lui rendrait la paix intérieure.

Adossé contre la porte, il resta quelque minute ainsi, à fixer le sol. Orden ne pouvait décemment pas aller voir son amant et lui annoncer de but en blanc qu'il allait bientôt mourir. C'était impossible, inconcevable. Sa décision était sans aucun doute la plus importante de sa vie, et elle devait être mûrement réfléchie. Luttant contre sa fatigue grandissante, il ressentit le besoin pressent de prendre l'air, de sortir de cet endroit malgré le risque qu'il encourait. Isaac n'attaquerait sans doute plus aujourd'hui. Il pouvait avoir l'esprit tranquille. Retournant dans sa chambre il s'empara d'une veste, et prit la direction d'un endroit ou sa vie avait été bouleversée, à jamais.

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